Joël Pelier, l’ancien champion vainqueur d’étapes sur le Tour de France, Paris Nice, Tour Midi Pyrénées et quelques autres encore, porteur du maillot Jaune sur le Critérium du Dauphiné, est l’un des membres de la rédaction Be Celt. Habituellement sur le tour de France en tant que pilote ASO, il ne sera pas au départ cette année du Grand Départ à Brest samedi. Il est resté en Haute Saône pour s’occuper de ses abeilles, ses ruches et son miel. Mais il a tenu a encourager les coureurs et notamment les tricolores. Quand Joël Pelier se lance dans un chapitre comme le cyclisme, le bois, le miel, il le fait avec passion et respect. Pour ce dernier, il ne faut pas oublier notre place et il faut comprendre surtout ce qui se présente à nous si l’on veut en récolter le meilleur
Joel, quel message adressez vous aux coureurs français sur ce tour?
« Faites vous plaisir, ne visez pas le général et que le général! Que la victoire est belle si elle vient du coeur et des tripes, une belle étape à la pédale, à la hargne. »
Pourquoi ne pas viser le général?
« Qui vois tu comme prétendant au Blaireau? Ca fait 36 ans que l’on attend et on ne pense qu’à ça. C’est devenu une obsession pour les équipes et les journaux Français, quitte à en être complètement con quand un étranger le remporte. On met la pression sur nos coureurs tricolores, on ne leur parle que de ça et on ne les écoute plus! Comment veux tu éprouver du plaisir si on t’enferme dans cette boîte, tes gestes sont limités, tes ailes coupées, ton âme véritable est étouffée. Qu’on les laisse voler, ils seront heureux, ils nous rendront heureux, bordel! »
Le mec ne veut pas devenir le nouveau Hinault, il veut juste être lui, mince !
Vous êtes dur avec les équipes Françaises?
« Non, pas vraiment, je les aime nos coureurs Français. Mais face à des équipes comme Jumbo Visma, Ineos Grenadiers ou UAE Emirates, il faut avoir les armes pour rivaliser. Je ne dis pas que l’on est plus faible mais je pense que l’on ne sait pas écouter nos gars pour structurer une véritable résistance
Chez nous, dès qu’un coureur gagne une étape de Grand Tour, on le met comme leader et on le conditionne pour le général du Tour de France et seulement ça. Mais le mec ne veut pas devenir le nouveau Hinault, il veut juste être lui, mince !
Ensuite, il faut de sacrés coéquipiers pour vous emmener au sommet. Pour ce but, il faut créer un esprit de meute comme un essaim. Il faut construire une véritable osmose au sein de la ruche avec un vrai leader qui, comme une Reine, saura motiver et faire voler ses coéquipiers »
Julian Alaphilippe?
« Il n’est pas dans une équipe Française. D’ailleurs aucune équipe Française n’en voulait de lui au début hormis Armée de Terre. Pourquoi? Parce qu’il est sauvage, il marche à l’instinct. Il n’est pas du tout un robot comme certains, il n’obeit pas au doigt et à l’oeil, il est libre! En Belgique, ils ont la culture du vélo, ils savent lire l’homme et ils le laisse s’exprimer pleinement. Là bas, on comprend d’abord le coureur et son potentiel au lieu de modifier son âme et son talent.
Mais je ne vois pas Julian gagner le tour. Faire une bonne place au général oui mais pas la plus haute et pourtant ce que j’aimerai voir un de nos gars en haut. Julian court avec le plaisir, les tripes, les sensations, ce qu’il est beau quand il court comme ça. Il ne faut pas l’enfermer dans un rôle qu’il n’aimerait pas. Il n’y a que les médias qui le mette comme favori du tour, pas son équipe »
Il ne faut pas forcer la nature, il faut juste l’écouter, la comprendre et la laisser faire.
Vous comparez les équipes de cyclisme à des ruches?
« Oui, je suis dans le « Miel » en Haute Saône. Je m’occupe de mes ruches et mes abeilles depuis des années et j’ai appris à les comprendre pour qu’elles me donne le meilleur. J’ai été coureur pro durant des années et j’ai eu des « apiculteurs » comme Jean De Gribaldy qui savaient nous comprendre, qui exploitaient le potentiel humain au mieux au lieu d’imposer un rôle qui n’était pas le nôtre. Il ne parlait pas beaucoup le Vicomte, mais il savait trouver en toi ce que tu avais de meilleur.
Une équipe, c’est comme une ruche. Chacun doit connaître sa place et son potentiel. Il y a un leader dans une équipe tout comme une Reine dans la ruche. Elle gère son essaim, elle forge la cohésion… Les abeilles sont plus intelligentes que l’homme.
Si tu veux le plus beau miel, tu sais celui qui a la couleur de l’Or, ce jaune si particulier, tu dois rester humble face à la ruche, la respecter et les laisser faire tout comme les coureurs dans une équipe. Il ne faut pas forcer la nature, il faut juste l’écouter la comprendre et la laisser faire. »
Belle métaphore
« Oui, je vois ça comme ça. C’est aussi pour ça que mon étiquette est jaune Or. Un clin d’oeil à cet art qui m’a fait devenir ce que je suis aussi. Il est fait en Haute Sâone, de façon traditionnelle, sur la Planche des Belles Filles. Une équipe c’est comme une ruche, il faut savoir la lire et la comprendre pour obtenir le meilleur. »
Avez vous déjà porter le jaune?
« Pas celui de la Ruche du Tour mais je l’ai porté sur le Dauphiné. Celui du tour a quand même une autre saveur (rires). »
Le cyclisme et le monde des abeilles, c’est le même monde selon vous?
« Oui je pense. C’est une structure sociale, faite sur les compétences de chacun autour d’un leader comme d’une Reine. Et l’apiculteur est comme un manager. Et ces deux mondes sont en danger justement. Quand on voit comment nos élus (politiques et fédérations) prennent nos jeunes et nos ruches locales pour des cons, on se dit que l’on est pas prêt d’avoir un divin nectar dans le futur.
On paiera la note dans quelques années et elle sera très élevée et il faudra pas venir chialer car on le sait mais on ne fait rien.
Et pour les abeilles, c’est pareil. Tout comme le sport, elles sont importantes pour la survie de l’homme. Et ces mêmes élus laissent l’épandage des pesticides se faire, tuant nos abeilles. C’est bien beau de gueuler tels les écolos bobos politisés sur les jets de bidons alors que ces derniers ferment leurs gueules sur les compagnie mondiale comme Mossanto. Ils ont touché un chèque, nos élus ou la fédé, pour laisser ce merdier égoiste ? On marche sur la tête sur cette planète, on délaisse nos jeunes, notre savoir faire locale et nos abeilles, on les écrase. On paiera la note dans quelques années et elle sera très élevée et il faudra pas venir chialer car on le sait mais on ne fait rien.
Mon miel, je le fais à l’ancienne, à l’acide oxalique ( acide récolté sur les feuilles de Rhubarbe). Il sent le terroir, il n’est pas modifié. Et mes abeilles je les écoute, elles m’apprennent beaucoup. Je reste humble devant elles. Il faut savoir écouter et comprendre pour obtenir le meilleur »
Vous êtes comme un manager pour vos ruches. Quel message pour les managers d’équipes françaises?
« J’espère que tout le monde va réaliser que l’on prend les mauvais chemins, pour nos jeunes comme pour notre nature. Pour le cyclisme, je dirais d’écouter les coureurs et qu’on les laisse s’exprimer comme ils le désirent. Alors ils gagneront des étapes, des classiques et avec la spirale positive, ils viseront alors le bonheur suprême comme la victoire au général.
Pourquoi la Deceuninck Quick Step gagne avec tant de coureurs? Car ils savent les écouter, ils savent qu’il faut d’abord se faire plaisir. Mais Dave Brailsford chez Ineos Grenadiers a compris ca désormais. Alors arrêtons de vouloir changer la nature humaine, ecoutons là, comprenons la et vous verrez: On aura cette belle couleur au final