Dans cette année 2020 chamboulée par le Covid-19, les médias n’ont pas vraiment remarqué la récompense de l’UCI à au 2ème dictateur de la planète, le président du Tukmenistan Mr Gurbanguly Berdimuhamedov, autoproclamé Grand Protecteur du Pays, a reçu la plus haute distinction de l’UCI la médaille de l’Ordre de l’UCI , CylingTips a cherché à comprendre pourquoi une instance sportive internationale s’implique avec un pays qui condamne à mort les homosexuels, un pays où les droits de l’homme sont constamment bafoués, où les journalistes sont emprisonnés parfois à vie et où ceux qui prononcent le nom « Covid » sont emprisonnés.
Dernièrement, Berdimuhamedov avait même érigé un chien géant en plaqué or, d’une hauteur de 6 mètres, une représentation du chien de berger d’Albany, la race préférée de Berdimuhamedov, immortalisée dans l’un de ses nombreux livres. Le monument est doté d’un grand écran LED qui diffuse des messages de gloire à la race du chien et au président. M. Gurbanguly Berdimuhamedov aime les chiens de berger, les chevaux et le hip-hop, mais il aime aussi beaucoup faire du vélo. Sur cette dernière passion, le journaliste Lain Treloar a voulu en savoir plus. Et il a été très loin dans ses recherches et sur les relations entre un dictateur, un oligarque et un président de l’UCI.
LE DICTATEUR ET L’OLIGARQUE
Au cours des cinq derniers mois, Lain Treloar a cherché à comprendre pourquoi l’UCI s’est allié au dictateur le moins stable d’Asie centrale, le 2ème derrière celui de la Corée du Nord au classement des dictateurs. Au cœur de cette relation se trouve l’homme d’affaires russe, Igor Viktorovich MaKarov. Ce dernier aime aussi le cyclisme, il aurait même rêvé d »être pro.
Le grand entraîneur soviétique Viktor Kapitonov ; « Makarov n’a certainement pas eu la carrière cycliste dont il rêvait… il veut donc rattraper son retard aujourd’hui en dominant le cyclisme ».
Après sa carrière dans l’encadrement de l’équipe de Russie, Makarov est parti faire fortune dans le pétrole. Il est désormais à la tête d’une somme de 2,1 milliards de dollars. Dix ans après son départ du team de Russie, il est devenu le propriétaire du team pro Katusha, son jouet….
La fortune de Makarov s’est faite grâce au Turkmenistan et à une amitié avec l’ancien dictateur turkmène, Sapurmayat Niyazov, dont les relations avec l’ancien cycliste ont fini par lui assurer le monopole de l’approvisionnement en gaz du Turkménistan par le biais de la société Itera, fondée par Makarov.
A la mort de Niyazov, Gurbanguly Berdimuhamedov est monté au pouvoir, selon des fuites de câbles diplomatiques, la société Itera aurait acheté au nouveau dictateur turkmène un cadeau: un superyacht de 60 millions d’euros appelé « Galkynysh » (« Revival »), avec lequel il a tenu plusieurs réunions.
Puis le business de Makarov s’est bâti. Outre les intérêts gaziers d’Itera qui lui donnaient un accès exclusif aux vastes et lucratifs gisements du Turkménistan, la société Itera (de Macaron) a conclu divers autres contrats avec le régime turkmène. Parmi ceux-ci, la construction de pans entiers du village olympique (*non utilisé pour les Jeux Olympiques bien sûr).
Enfin, une partie d’Itera a été vendue en tant que filiale à la société d’État russe Rosneft, Makarov changeant la marque de la société mère Areti (Itera, à l’envers). Areti est basée en Suisse mais possède un bureau à Achgabat, l’un de ses principaux marchés, et Makarov se rend régulièrement à Achgabat dans l’un ou l’autre de ses jets privés. Lors de certaines de ces visites, il a amené des membres de haut rang de l’UCI, dont les trois derniers présidents.
Makarov a fait bâtir, payé rubis sur ongle, le vélodrome ultramoderne de la capitale. Il accueillera les Championnats du monde de cyclisme sur piste en 2021. Le président turkmène compte sur cette événement sportif majeur pour laver le bilan effroyable du pays en matière de droits de l’homme.
Le rôle de l’UCI ?
L’UCI tire la plus grande partie de ses revenus annuels des droits d’organisation des championnats du monde. Et en échange des droits d’organisation versés à l’UCI, le Turkménistan bénéficiera d’une visibilité internationale accrue qui stimulera ses intérêts commerciaux et atténuera les craintes sur son image quelque peu écornée à travers le monde.
Les championnats du monde sur route au Turkménistan en 2026?
Le journaliste Lain Treloar a contacté des journalistes Turkmène et il a découvert cette rumeur incessante. En effet, les médias d’État turkmènes ont affirmé à plusieurs reprises que le pays accueillera bien les championnats du monde de cyclisme sur route 2026, avec l’aide de Makarov. Lain Treloar a alors contacté l’UCI pour obtenir plus d’information à ce sujet. Ces derniers ont répondu que rien n’était encore fait à ce jour. Mais voilà, sur les médias turkmènes en avril 2019, on assure que David Lappartient
« a exprimé sa sincère gratitude au Président Berdimuhamedov en assurant son soutien à l’organisation des Championnats du monde de cyclisme sur route UCI dans notre pays en 2026 », le Français faisant remarquer « que le Turkménistan dispose de toutes les conditions et infrastructures nécessaires ».
La médaille de l’Ordre de l’UCI offerte à un dictateur et le lien avec les championnats du monde 2026
La prestigieuse médaille de Ordre de l’UCI a donc été offerte au dictateur. Mais comment est elle attribuée? Personne ne l’a obtenu depuis 13 ans et les demandes répétées de liste des anciens récipiendaires sont restées sans réponse de la part de l’UCI.
Néanmoins, M. Lappartient a déclaré que sa remise à M. Berdimuhamedov a été « unanimement » approuvée par le comité directeur de l’UCI, un organe qui comprend bien sûr Igor Makarov.
Selon la constitution de l’UCI, ce même comité directeur de l’UCI est également responsable de la décision concernant les lieux des championnats du monde : comme celui sur piste 2021 qui se tiendra à Achgabat et celui sur route 2026 dont le Turkménistan semble convaincu d’avoir déjà obtenu les droits. Il faut laver l’image du Président dictateur coûte que coûte;..
La toute puissante UCI
Le dernier rapport annuel de l’UCI révèle une organisation qui se concentre sur la croissance internationale, tout en naviguant dans une situation financière difficile, exacerbée par la pandémie COVID-19.
L’organisation a également participé à une série de manifestations de haut niveau avec des membres de la fraternité cycliste internationale. L’UCI a alloué 1 million d’euros pour combattre l’organisation dissidente Velon devant les tribunaux, en utilisant l’argent du fonds d’urgence du WorldTour, un fonds commun auquel les équipes et les organisateurs de course contribuent. Velon, une organisation appartenant aux équipes qui en sont membres, est donc engagée dans une bataille juridique avec l’UCI. Les critiques dénonçant aux médias le sentiment que l’organe directeur utilise l’argent des équipes pour lutter contre les intérêts de celles-ci. Quand ces derniers ont fait front, le Président de l’UCI a alors déclaré que cette fronde n’existait pas et que c’était une fake news. Depuis un syndicat des coureurs est né avec Riders Union, contredisant David Lappartient.
Le Président David Lappartient , partagé en sa vie politique en Bretagne et sa présidence de l’UCI
Le journaliste a été jusqu’a enquêté sur les cumuls des emplois de David Lappartient. Pendant toute la durée de son mandat de président de l’UCI, David Lappartient gagne un salaire annuel de 257 000 CHF (237 euros) et reçoit une allocation de 54 000 CHF (45 000 euros environ), ainsi qu’une voiture de fonction et des « charges sociales et frais de pension » pour 117 000 CHF (100 000 euros environ). Il est aussi maire de Sarzeau, une petite ville de Bretagne, en France, Le journaliste a fait une recherche dans les archives municipales de Sarzeau et a découvert qu’il touchait un salaire un salaire de 25 752 € annuel.
Pourtant, avant l’élection de l’UCI, David Lappartient avait promis qu’il ne cumulerait pas la fonction de maire et celle de Président de l’UCI. Mais quelques mois après son élection à la présidence de l’UCI, David Lappartient s’est présenté à la réélection municipale et a gagné.
Du coup, avec ses deux emplois du temps, il partage son temps entre le siège de l’UCI à Aigle et Sarzeau, à près de mille kilomètres de distance. Selon une source à l’UCI, « Lappartient est au bureau un jour par semaine dans le meilleur des cas, parce qu’il est soit en voyage, soit à Sarzeau (…) C’est un mélange peu utile d’un président contrôlant qui veut que tout passe par lui et presque toujours absent, ce qui provoque une paralysie du système. Il veut tout contrôler. »
Le Turkménistan, le pays où le Covid n’existe pas comme en Corée du Nord. Qu’en sera t-il du protocole stricte de l’UCI?
Comme la plupart des pays du monde pourraient le supposer, les Championnats du monde d’athlétisme d’octobre sont confrontés à un avenir incertain en raison de la pandémie de coronavirus en cours. Ce fait pourrait bien surprendre les citoyens du Turkménistan, puisque le nom Covid a été interdit et que le pays ne reconnaît toujours pas officiellement de cas de coronavirus.
Les rares rapports turkmènes disent que les hôpitaux locaux ont été submergés de victimes de « pneumonie ». Depuis, le régime a fait volte-face après avoir initialement arrêté et emprisonné les personnes trouvées en train de porter des masques. Désormais, il oblige les étudiants à signer un engagement à porter des masques pour se protéger des « poussières nocives » soufflant de la mer d’Aral .
L’UCI a déclaré à CyclingTips que « comme tout organisateur d’une épreuve de l’UCI, un protocole sanitaire sera exigé pour réduire autant que possible les risques de transmission du COVID-19 dans et autour des Championnats »
Dans ce contexte, doit-on s’attendre à ce qu’un organisme sportif adopte une position morale plus élevée que celle de la communauté internationale au sens large ? Est-ce de l’idéalisme idiot d’espérer qu’il devrait au moins essayer ?
En dansant avec un dictateur, l’UCI apprend les réalités inconfortables du totalitarisme. C’est une leçon qui aurait pu être anticipée, et qui aurait pu être évitée. L’UCI a choisi de poursuivre, ou a été manœuvrée, une relation avec un paria international, dont elle a tenté de dissimuler et de minimiser toute l’étendue. Ce faisant, elle a semé une récolte amère dans la trahison de ses idéaux les plus élevés.
Toute cette situation, la dissimulation du coronavirus, l’approbation d’un dictateur par l’UCI, les machinations en coulisses et l’intérêt personnel apparent au cœur des décisions qui l’ont précédée, serait absurde, s’il n’y avait pas un tel courant traître de tragédie.
Mais alors, c’est un drame qui a commencé à se jouer avec Gurbanguly Berdimuhamedov, le Grand Protecteur, auteur prolifique, amoureux des motos, des vélos et architecte de statues géantes de chiens en or.