Bruno Cornillet est l’un de ces grands champions issus des courses de Bretagne et de ses clubs formateurs. Chez les professionnels, il a été aussi le vainqueur du GP de Plouay (Bretagne Classic) en 1990, du général du Tour de Valence en 84, vainqueur d’étape sur le Dauphiné en 87, d’étape sur Paris Nice en 89, vainqueur du Tour de Vendée en 92, du circuit de la Sarthe en 91, étape sur la Nissan Classic, 14ème du Tour de France 89, 10 ème du Giro 92, des tops 10 sur les plus belles classiques comme sur Liège Bastogne Liège ou l’Amstel Gold Race. Bref, il sait de quoi il cause quand il s’agit du cyclisme…
Puis il est devenu ce qu’il voulait être, une fois l’aventure du cyclisme pro terminée. Il est devenu pilote de Ligne chez HOP (filiale Air France), une reconversion préparée bien avant sa carrière de coureur. Le Breton a un adage qu’il aime par dessus tout
: « Le talent ça n’existe pas, le talent c’est d’avoir envie de faire quelque chose! » Et c’est justement pour ça que Bruno Cornillet a publié cette lettre sur notre site, afin de redonner envie de faire des choses, comme celle de sauver notre cyclisme amateur, de redonner envie aux jeunes et à leurs familles d’y revenir ! Comme veut le faire l’association des coureurs « Prends Ma Roue »
Le talent ça n’existe pas, le talent c’est d’avoir envie de faire quelque chose!
La lettre de Bruno Cornillet, à tous
« Voilà, j’ai décidé d’écrire cette bafouille en ces temps un peu tristouille. Je voulais vous parler de ce cyclisme amateur Français que j’aime tant et qui est en train de mourir dans le plus grand des silences, faisant face au déni de certains par peur de perdre une place de fauteuil sûrement. Oh, je sais, je ne suis pas le premier à gueuler et je ne serai pas le premier à être entendu. Mais je tiens à l’écrire cette lettre, je ne peux rester indifférent au sort de cet art qui m’a tant apporté.
En ces temps de crise du Covid, de mesures sanitaires, de chômage, de difficulté pour les entreprises nationales, régionales et locales, on se dit pourquoi causer du cyclisme? Une cause mineure au final…. Pourquoi? Car il est un élément essentiel dans l’apprentissage des valeurs humaines, sportives et sociales. Il est un maillon essentiel de notre culture, de notre patrimoine.
Je me souviens de ce gamin que j »étais il y a bien longtemps, celui qui découvrait que cet engin appelé vélo pouvait m’emmener très loin en appuyant fort sur les pédales, bien au de la des frontières de nos régions, de notre pays, de notre culture, grâce à des bénévoles, au fil des courses.
Ma liste de questions
Mais en 2020, un microbe s’est invité dans notre monde sans qu’on y prenne la moindre importance au début. 7 mois après, il sape l’économie mondiale, de notre pays, le moral de nos citoyens, nos libertés et l’existence de nos courses comme Paris Roubaix et celles que l’on nomme « amateurs » organisées par des passionnées.
Car ce covid n’est pas simplement un problème sanitaire mais aussi économique. Et plusieurs questions méritent que l’on y trouve rapidement des solutions.
1 La question financière en temps de crise
Répondez moi car j’ai l’impression que vous ignorez volontairement les soucis du cyclisme « d’en bas »
Comment voulez vous que les entreprises, déjà en difficulté, soutiennent les équipes de cyclisme amateurs? Comment voulez vous qu’elles soutiennent nos courses nationales ou locales?
Comment voulez vous enfin qu’un club formateur puisse payer des charges de plus en plus lourdes pour rester en division nationale?
Comment voulez vous que les collectivités territoriales ou les régions soutiennent le sport dans son ensemble quand les taxes sur ces même entreprises ne rentrent plus dans les caisses? Répondez moi car j’ai l’impression que vous ignorez volontairement les soucis du cyclisme « d’en bas », celui qui fait votre base.
Ensuite, comment voulez vous que les parents puissent investir 3000 euros pour les rêves de leurs enfants en ces temps de crise? Oui 3000 euros, car il n’y a plus d’argent dans les clubs pour financer des vélos afin d’ aider les jeunes qui débutent. Oui cette somme çar le coût du cyclisme est devenu hors de prix pour les familles à moins d’être issu d’un clan voué au cyclisme depuis des années. Et que se passe t-il du coup? Les jeunes ne viennent plus, les familles ne peuvent pas soutenir ce que les bénévoles faisaient jadis, financièrement et physiquement.
Et comment en vouloir aux parents? Pourquoi investir une telle somme et une telle énergie alors que l’avenir de leurs enfants est incertain par cette voie?
2 Les questions des études et de la reconversion
Oui un avenir incertain, car les clubs de DN1 sont des véritables équipes pros. On demande aux gamins de courir tous les jours, aux 4 coins de notre France. Comment voulez vous que ces deniers puissent se concentrer sur leurs études? Le cyclisme est un sport avant tout et très peu sont qui en deviendront des pros. Que deviennent alors les autres? Comment les a t-on accompagné dans leurs études avec ce calendrier DN1? Quel avenir leurs proposent-on à la place?
En tant que père, je réfléchirai à 2 fois avant de dire à l’un des mes enfants d’y aller à fond dans le cyclisme tant qu’il n’a pas d’études en poche. Mais comment concilier les 2? Où sont passés les « sports études »? Vous voulez des courses amateurs à niveau nationale mais vous oubliez que ce sont encore des gamins qui font des études.
Je suis le parrain du Prix Etienne Fabre qui récompense les athlètes qui parviennent à concilier études et sports en même temps. Je tire un grand coup de chapeau à ces jeunes qui y parviennent tant on leur apporte peu de moyens. Il nous faut trouver une solution ou alors remettre les sports études pour attirer ces derniers et rassurer les familles.
Prenez exemple sur le travail de Loic Varnet et de Chambéry CF
Et justement, il y a un homme qui a beaucoup oeuvré pour que les jeunes puissent conjuguer parfaitement études et sport de haut niveau, c’est Monsieur Loic Varnet, le directeur de Chambéry Cyclisme Formation. Ce centre dispose de salle de cours, de profs, d’encadrements aussi bien dans le domaine scolaire que sportif. Grâce au soutien du team AG2R La Mondiale, ils parviennent à épanouir les jeunes et à les sécuriser sur leurs avenirs. Mais ce centre est privé et ce n’est pas normal que nos instances ne s’inspirent pas du travail de Loic Varnet , ainsi que certaines équipes pros par ailleurs.
3 Un cyclisme local et régional avant tout
Pourquoi ne pas revenir en arrière, en privilégiant les courses locales comme au temps des années 8o? Faire redécouvrir le cyclisme à nos enfants, ceux de nos villages?
Donc je me demande avec si peu de courses locales et si peu de clubs locaux, comment peut on redonner envie à nos jeunes? L’accessibilité au cyclisme? Car au final, il y a de moins en moins de coureurs français au sein des équipes amateurs. Il serait temps de revenir aux valeurs qui ont fait le bonheur de notre cyclisme amateur si on veut applaudir nos champions de demain.
J’en veux pour preuve la demande des clubs qui cherchent désormais des coureurs étrangers afin de combler ce manque. C’est un signal alarmant que l’on devrait entendre au lieu de suivre la politique de l’autruche. Oui, le Covid a accéléré l’agonie de notre cyclisme et il faudra bien se retrousser les manches pour le maintenir en vie, faire face !
Arrêtons de nous voiler la face
Notre cyclisme amateur tricolore va mal et Julian Alaphilippe ne reflète pas la santé de notre façon de vivre. Arrêtons de dire que nous sommes les meilleurs car nous sommes champion du monde avec Julian. Non, nous ne sommes pas les meilleurs au monde, nous ne sommes plus le berceau du cyclisme depuis bien longtemps.
Julian Alaphilippe est un champion du monde oui mais pas le cyclisme amateur tricolore. Voulez vous que je vous rappelle comment s’est construit Julian Alaphilippe? Quand l’Armée de Terre a rendu les armes dans l’indifférence générale et qu’aucune équipe française n’en voulait? Tout comme Guillaume Martin dont ses débuts pros se firent en Belgique, tout comme Rémi Cavagna. Non les champions français ne sont pas notre vitrine, arrêtons de nous voiler la face.
J’ai entendu parler de ce mouvement « Prends ma roue ». J’ai donc conversé avec Eric Guézo qui s’en occupe sur la Bretagne. Leurs propositions sont bonnes, claires et elles méritent d’être écoutées et étudiées.
Il nous faut nous pencher vraiment sur notre berceau et de nous concentrer sur les jeunes, la formation, les clubs et leurs avenirs. Car la priorité est la jeunesse, elle est l’ avenir de notre cyclisme. Sans eux, il meurt, c’est aussi simple et glaçant.
Que le cyclisme revienne aux cyclistes, aux clubs et aux organisateurs ! Réveillons nous ! »
Bruno Cornillet
Je tenais à vous mettre le lien de l’association « Prend Ma Roue » : ICI