Hier matin, Be Celt et Hervé Le Gall , photographe, avaient rendez vous avec le Team Raleigh dans un hôtel près de Morlaix dans le Finistère. L’étape du jour est le fameux contre la montre (TT), exercice compliqué et périlleux pour les coureurs car il peut tout changer dans un classement général, ces 15 km peuvent être plus importants qu’une étape de 170 km. Voici comment les coureurs du Team Raleigh ont vécu cette journée particulière.
Dès notre arrivée, les mécaniciens de Raleigh s’affairent sur ces machines étranges que sont les vélos pour ce genre de combat. Matt, le soigneur, s’occupe méticuleusement des derniers détails, Chérie la manageuse est dans la salle du restaurant, elle étudie sans cesse le profil de l’étape. Malgré cette concentration, nous sommes accueillis avec son grand sourire . « Bienvenue dans notre famille, je suis contente de vous revoir ». Les coureurs, eux, se concentrent, ils sont dans leurs « bulle ». L’étape a déjà commencé dans leur tête.
Nous nous dirigeons vers Huelgoat, la ville qui accueillera l’épreuve. Nous prenons un café typiquement français avec un petit déjeuner rapidement avalé. Le stress des coureurs a contaminé l’atmosphère, on sent l’ambiance tendue et lourde avec de grands moments de silence. On attend le duel contre le temps. Nous croisons le « King » Bernard Hinault, qui vient régulièrement dans la région du Connemara désormais. Nous le saluons timidement et le plus grand cycliste français nous adresse une phrase qui réchauffe le cœur de l’entourage et des coureurs du team anglais : « C’est bien les Raleigh ! On les voit , ils attaquent souvent comme hier sur le final. »
Les coureurs sont en train de s’échauffer sur les « home-trainers », sur le trottoir. Personne ne parle, Sam Witmitz est le premier a prendre le départ. Il est concentré, il ne pense qu’à ça. Il rejoint la rampe de lancement et Chérie reste près de lui, comme elle le fera avec chaque coureurs, comme si c’était ses propres enfants.
Tom Moses, a une façon très anglaise de se concentrer, souriant avec son casque MP3 vissé aux oreilles pour s’isoler de l’extérieur.
Mark O’Brien lui, est à l’égal de Tom, souriant mais terriblement concentré. Il ne pense qu’à cette épreuve.
Richard Lang se déplace sans cesse, il est tendu, mais il sait qu’il donnera tout, et tente de rester détendu même quand on lui demande des autographes.
Eric Berthou arrive, le Breton leader des Boys de Raleigh est déjà dans sa bulle, on ne lui parle qu’en cas d’urgence. Il va tout donner. Son regard est noir. Son père, toujours présent, n’ose même pas lui parler, il est dans sa course, dans la voiture, isolé.
On appelle le coureur à se présenter sur la rampe. La voiture se cale et on entend « 3, 2? 1, top » Le combat commence, il lance gros Éric.
Il gère, ne donne pas tout dès les premiers kilomètres, encouragé par Raymond depuis la voiture Raleigh. Pourtant tout le monde sait qu’il n’entend pas ces encouragements, il est dans son monde, dans son combat.
Dans un virage, on aperçoit une voiture officielle qui nous attend, c’est le Grand Bernard Hinault qui va nous suivre. Le coureur lui, ne le voit pas il continue sa traversée, seul contre le temps, il arrive à mi-parcours et la voix nasillarde de la radio nous annonce son temps, il ne perd que 20 secondes sur le leader. Les encouragements se font de plus en plus forts, le klaxon lui rappelant que c’est bientôt le dernier kilomètre il faut tout donner, tout jeter, aller au bout de soi-même. Ça y est il en a fini et la voix du speaker nous annonce un temps de 21 min32. Pas mal le Prince Harry comme l’appellent les Anglais.
Au final Éric revient à la 16ème place au général. Il lance à son équipe: » Demain ça continue, on sera encore là! »