[dropcap]C[/dropcap]e dimanche, sur Paris Roubaix espoirs, vous apercevrez sûrement cet homme, les mains agrippées au volant de la bagnole flanquée du célèbre logo orange et à damiers du CC étupes. Les yeux rivés sur cet essaim de coureurs, Jérôme Gannat regarde patiemment la migration des oiseaux rares, de ceux qui volent trop haut pour que nous les comprenions. Ces espoirs flamboyants qui ne reviennent que rarement de ce monde qu’ils convoitent et que l’on nomme « le monde professionnel ».Jérôme ne connaît que trop bien l’histoire de ce cyclisme et de cette base, vacillante à notre époque, qui forment les grands champions. Il en a rêvé de longs soirs sur l’avenir de ces gamins voulant tourner autour de cette brûlante lumière durant jusqu’au matin fiévreux au départ d’un énième vol. Il a vu des centaines de ces cocons se transformer en papillon sur les branches de ce chêne. Depuis 1974, ce club formateur enraciné jusqu’au plus profond de ces terres Franc-Comtoises a vu passer des rêveurs voulant atteindre la nébuleuse orphique.
Ces hommes, ces gars du « staff », sont la base. Celle suintant jusqu’à l’essence même de cet art de vivre. Cette base à peine regardée, parfois snobée par le sérail des managers de ce monde que l’on nomme pourtant « pro ». Oui, ils sont ces créateurs de ceux qui vont galvaniser la foule, la cisaillant à grands coups de rictus en se déchirant parfois les ailes, pulvérisant tout les records sismiques, et nombreux sont les champions qui leurs doivent leurs envols. Barguil, Vakoc, Adam Yates, Hofstetter, Pinot, Ellisonde, Vuillermoz ou Guillaume Martin pour , en autre, ne citer que les récentes chrysalides. Ces hommes ne sont pas de pailles, ils sont ces mains, ces créateurs de talents malgré des budgets frisant parfois le système « D », les bouts de ficelle et la débrouille. Et malgré ce manque de soutien financier, ils seront toujours là aux côtés de ces jeunes et au nom de tout les siens. Be Celt : Jérome Gannat, un effectif peu conséquent avec 10 coureurs seulement au sein du CC Etupes et pourtant vous occupez la 3ème place de la coupe de France DN1…Jérôme Ganna
t : Oui, peut-être, mais qu’importe. Nous n’avons pas de grands moyens non plus mais nous avons un bon collectif. Certes, jouer un podium sur la coupe de France est une bonne chose mais pour ma part la formation reste la priorité de l’équipe. Notre mission est de les former au mieux, leurs apprendre les subtilités de ce métier en conservant ce plaisir de rouler et de compétiter. Nous ne sommes qu’une étape pour ces jeunes et afin d’optimiser leurs performances au mieux, cela ne sert à rien d’en prendre un certain nombre. Donc la coupe de France n’est pas notre priorité en ce sens. Nous ne recrutons pas des coureurs pour la gagner mais plutôt pour former et tenter des les faire accéder au niveau supérieur.
4 victoires avec 4 coureurs différents cette saison. Il n’y pas de leader au CC Etupes ?
Non, car tous sont capables d’aller chercher la gagne. On fait aussi pas mal de podium à côté de ça. C’est sûr que la victoire nous galvanise mais sur une course, chacun des gars est combatif et donne le meilleur de lui-même. Il prend de la caisse et de l’expérience au fil des entraînements et des courses, il apprend à devenir un coureur de haut niveau. Pour cela, il faut un collectif, un bloc et une équipe qui l’emmènera chercher le podium. Au CC Etupes, tu apprends à rouler pour une équipe et au service des autres qui te le rendront aussi plus tard.
Le passage à l’étape supérieur, le monde « Pro ». Tous en rêvent en arrivant au CC Etupes…
Oui mais pourtant tous ne passeront pas pros. Beaucoup me demandent ça directement : « Fais moi passer pro avec tes contacts », mais je ne peux rien faire car ce n’est pas ma méthode et en fin de compte, je n’ai que très peu de contact avec les managers ou directeurs sportifs pros. Non, ici on leur apprend le job, à leurs permettre de performer à ce niveau avec autant de plaisir. Je me souviens de ce que Petr Vakoc disait sur le CC Etupes, ce team où il avait surtout appris à aimer le vélo. Le reste, cela vient tout seul, les équipes contactent directement le coureur sans même passer par le staff et c’est bien dommage car on connait justement bien l’athlète, aussi bien sur le plan sportif qu’humain. Mais bon, on ne nous consulte pas les 3/4 du temps et certains peuvent se brûler les ailes en étant trop impatient de rejoindre ce peloton.
Les coureurs étrangers et notamment les équipes formatrices sont souvent sur les courses de classe 2 : pourquoi les équipes françaises sont-elles si peu nombreuses sur ces rendez-vous?
La Coupe de France. Elle représente 8 week-ends dans l’année et malheureusement les manches coïncident souvent avec celles de classe 2. On ne peut pas s’aligner sur 2 fronts à la fois et nous ne pouvons pas mettre un coureur le samedi sur une classe 2 et le dimanche sur une manche de coupe, tu crames le mec sinon. On voudrait bien disputer plus de ces « classe 2 » car cela permet de nous mesurer aux équipes pros pour acquérir des automatisme et s’aguerrir mais cela reste très difficile avec le calendrier imposé pour les DN1. Un exemple aussi, il y a des plus en plus de continentales étrangères en Europe. Désormais, certains organisateurs préfèrent les prendre plutôt que des équipes de DN comme sur le Circuit des Ardennes où ne venions depuis des années. Pour 2018, nous sommes pas au départ et cle me déçoit énormément pour les jeunes. C’est un peu comme le serpent qui se mord la queue cette histoire…
Justement, une rumeur a circulé dernièrement sur un éventuel passage du CC Etupes en continentale ?
(Rires). Non, cela n’est pas dans les valises. On ne veut pas passer en continentale. Bien sûr que chaque DS de DN1 voudrait le faire mais il nous faudrait un sacré budget et déjà que l’on a du mal à boucler le nôtre à notre niveau donc ce n’est pas dans les projets cette histoire. Nous sommes le CC Etupes, un club formateur et nous le resterons pour le bien de nos jeunes.