[dropcap]L[/dropcap]e Circuit du Mingant a déjà 60 ans. 60 ans que les plus grands guerriers arrivent des quatres coins du globe sur ce petit coin de Bretagne que l’on nomme Lanarvily. Il est encore là, debout, fier étendard de notre art de vivre depuis 1958. Les plus grands ont foulé ses labourés. Sven Nys, Adri van der Poel, Roger de Vlaeminck, Francis Mourey, Arnold Jeannesson, Matthieu Boulo, Cyrille Guimard, Dominique Arnould pour ne citer qu’eux, ou encore notre champion de France actuel Steve Chainel. Lanarvily a été le théâtre de championnats du monde, de manches de coupe du monde, de championnats de France et de Bretagne. Il est ce tremplin qui permet à la jeunesse de se faire un nom parmi les plus grands. Il est le « Circuit du Mingant ». Ces gars de Lanarvily, ce petit bourg coincé entre Le Drennec et Kernilis, ont réussi un pari un peu dingue. Celui de se faire connaître à travers la planète à grands coups de passion. Cette légende créée par le Vicomte Jean Le Hir fait le bonheur de tout un peuple, la fierté d’un pays…
Mais voilà, après 61 ans de dur labeur, de joies mais surtout de coups dans la gueule, les bénévoles en ont plein le dos. Même si la passion reste intacte, la lassitude gagne du terrain, et ronge les esprits et la foi en ce sport. La première alerte a été tirée par le Président lui-même, Patrick Le Her. La gorge serrée, les yeux embués, il nous avait annoncé l’année dernière que pour la première fois depuis son histoire, le rendez-vous annuel n’allait pas avoir lieu. Une grosse claque, une gifle monumentale.
« Si personne ne vient nous aider, on va crever » Patrick Le Her
Ce n’est pas une histoire d’argent, de budget, même s’il est toujours le bienvenu pour les aider à payer les charges incroyables que cela implique. Les héritiers de Jean Le Hir, le créateur, en ont juste ras le bol, fatigués par tant d’efforts, oppressés par les exigences des hautes instances pourtant indifférentes à leur appel. Ils se sentent seuls dans ce monde qui ne donne plus vraiment de place à la passion. Seuls avec cette sale impression de pisser dans un violon après un premier coup de gueule légitime.
Imaginez juste à quel point ces passionnés de la première heure sont rincés. Ils sont prêts à sacrifier leur « chef d’oeuvre », le mettre en sommeil à tout jamais. Il ne faudra pas venir chialer en lisant la presse qu’un autre grand cyclo-cross a disparu car Patrick Le Her nous avait prévenu bien avant l’heure. Dans cette indifférence générale, il est temps que les jeunes se soulèvent et viennent aider leurs aînés. Pour l’avenir du cyclo-cross et pour celui du Mingant, ils ont besoin de bénévoles, de jeunes et moins jeunes. Ils ont besoin des vrais passionnés, de ceux qui veulent perpétuer l’histoire, la cause..
Chaque année, nous nous y rendons tous. Nous voulons être de la fête, excités et fiévreux de pouvoir partager cette communion deux jours durant. Pour tout ce qu’ils ont fait, pour Patrick Le Her, pour ces bénévoles, il ne nous tient plus qu’à leurs montrer qu’ils ne se sont pas seuls, loin de là.
Patrick Le Her, le circuit du Mingant reviendra t-il cette année?
Patrick Le Her : J’en sais fichtrement rien. Oui, j’aimerais vraiment que l’on remette le couvert mais je te l’avoue, on est épuisé. J’en sais rien et j’ai peur pour l’avenir. Ce n’est pas qu’une histoire de budget mais d’aide. On a besoin de bénévoles à tous les niveaux. Les instances nous demandent tant de trucs chaque année, de charges et de règlement qu’on a plus vraiment le cœur à l’ouvrage. Nous sommes rincés. Quand je vois celui de Plougasnou qui n’existe plus et quand j’entends l’appel d’Yffic (Yves Guillerm) l’organisateur de Meneham à Kerlouan, oui j’ai vraiment peur pour l’avenir du cyclo-cross breton et national car c’est un vrai problème qui frappe notre sport. Si personne ne vient nous aider, on va crever.
À ce point ?
Tu n’imagines même pas à quel point. Dans le bureau, la moyenne d’âge tourne autour des 65 ans. Si les jeunes ne viennent pas à nous, c’est la mort de notre cyclo-cross. La mort de leur avenir dans ce sport.
Tu fais donc un appel aux jeunes et au moins jeunes…
Oui exactement. Je sais que c’est gonflé à notre époque de demander à des gens de venir travailler gratuitement. Mais depuis le début, le circuit du Mingant s’est bâtit sur la passion et la fraternité. Putain c’est notre âme ! On ne peut pas les payer mais on leurs offre notre savoir, notre histoire et les clés de notre avenir. Et bien sûr la chaleur d’un groupe, de notre amitié ainsi que des bons coups à boire en nous réchauffant la gueule autour d’histoires de champions, la vie quoi !
Les jeunes ont des choses aussi a nous apporter, un savoir notamment avec certains outils comme les réseaux sociaux, une vision plus jeune de notre cyclo-cross. On aimerait bien qu’ils nous montrent aussi cela. On les mettrait en doublure pendant quelques années avec les plus anciens qui ont un savoir-faire incroyable. Avec les différentes générations réunies, on gagnera la partie et le circuit du Mingant existera encore pour de nombreuses années.
Mais des « motivés »…
Oui, de vrais passionnés. On a besoin d’eux. Pas de ceux qui viennent juste pour un jour ou deux, histoire d’un week-end à prendre quelques photos pour immortaliser un souvenir. On veut des jeunes et moins jeunes capables de prendre la relève dans quelques années. D’assurer tous ensemble une pérennité, un avenir à notre chef d’oeuvre.
Tu donnes rendez-vous à tous le 25 février prochain à Lanarvily ?
Exactement. L’Assemblée Générale se tiendra le 25 février prochain à 10h30 à la salle des fêtes de Lanarvily. Je voudrais adresser un message à tous ceux qui veulent que ça continue : « Rejoignez nous, on a besoin de vous, de vos compétences et de votre passion. Tous ensemble pour sauver notre circuit du Mingant, pour préserver notre art de vivre. »