Au sein de la rédaction Be Celt, nous ne sommes pas vraiment un site d’information sur les courses cyclistes à proprement parler. D’autres le font mieux que nous et de loin même. Chez nous Be Celt, nous venons de plusieurs pays, de plusieurs cultures, de sports si différents et parfois totalement opposés. Une seule chose nous rassemble: La passion du cyclisme et de l’aventure humaine. Étrangement, entre nous, c’est le bike qui nous a réunis. Irlandais, Français ou Anglais, on s’en cogne ! Surfeurs, coursiers, vététistes ou hipsters, on s’en fiche. Nous n’utilisons le bike seulement pour nous déplacer, pour rester en contact, pour nous retrouver. Ce drôle d’engin monté sur deux roues qui rassemblent tant de gens, qui nous fait voyager histoire d’aller voir comment tourne cette planète.
Certains soirs, on traîne notre blues dans les rues de la Dirty old Brest ! Notre antre se nomme « Le Vauban », ce célèbre cabaret qui a vu tant d’artistes s’y produire. Les rois du Rock’nd Bike tel que Bradley Wiggins et Peter Sagan seraient à leurs aises dans ce sacro-saint endroit entièrement dédié à la musique et aux rencontres improbables. On pose nos bikes à l’entrée de cette église et telle la song de Led Zeppelin « Starway to heaven », on pénètre dans ce paradis coupé du monde. Nos corps s’affalent sur les tabourets du bar, une pinte pour nous rassembler puis on parle de la vie, des gens qui bougent le monde, de nos rêves, de tout. Le Tour de France y a même logé ses champions en 54, 58 et en 62. Bobet, Anquetil, le Britannique Robinson vainqueur d’étape sur la cité de ce bout du monde et le grand Coppi y ont dormi. Ici, les légendes du cyclisme et du rock se sont croisés et parlés à plusieurs reprises mais c’était il y a fort longtemps !
En cette soirée pluvieuse (il pleut rarement à Brest sinon que sur les cons !), on se pose éreinté par nos longues balades pour la énième fois sur notre zinc préféré. Ce soir, il y a un concert d’un groupe mythique qui se nomme « Ten Years After ». Ils avaient joué à Woodstock avec les Stones, Santana, Hendrix et les plus grands. Il paraît que le nouveau chanteur guitariste Marcus Bonfanti est aussi bon que le grand Alvin Lee, parti rejoindre le paradis des rockstars beaucoup trop tôt. Le « Guardian », le grand journal Britannique dit de lui qu’il est le futur » Blues Guitar Hero ». Rick Lee, le batteur de ce band qui nous a tant fait triper, dit de lui qu’il est comme Alvin Lee: Il bouge et vit sur scène et tout comme Alvin, ce jeune prodige de la guitare et du blues est un véritable master-showman. Il a appris ses premiers riffs dans la cuisine familiale sur les airs de Led Zeppelin et il s’est déjà produit en première partie de grands noms, notamment Chuck Berry, Philip Sayce ou encore Beth Hart et John Mayall. Un prince du blues ! Son dernier album, « Shake The Walls », sorti en juin 2013, a été répertorié parmi les cinq meilleurs albums Blues de l’année par les magazines de rock.
En France, le cyclisme et le rock se connaissent peu. Didier Wampas (un grand fan du bike) a pourtant rendu un hommage vibrant à l’icône Marco Pantani dans son titre « Rimini » , un putain de bel hommage, une chanson devenue culte dans le peloton et dans le rock ! Mais parler de cyclisme et de rock en France, certains vous diront qu’ autant pisser dans un violon ! Chez nous, on est encore sur les tops de Karen Cheryl et de la chance aux chansons. Le cyclisme et le rock ne se croisent plus contrairement au reste du monde. Wiggins fait la couv’ du plus grand magazine rock en Angleterre sur « NME » et Sagan , après avoir claquer des légendaires batailles, nous réalise des clips dédiés à cet art que l’on nomme Rock’nd Roll, à cette façon de vivre. Même lors de la remise des prix UCI, il se pointe sapé comme un prince du Rock défiant le protocole bien établi. Chez nous, on écoute Rimini dans l’ombre, loin de Karen Cheryl, de notre éternel Françis Lalanne et nos jeunes désertent les concerts après courses. Feck it !
Bref, on se pose après cet orgasmique shoot musical des « Ten Years After » au Vauban, de ce voyage en pays lointain et soudain, on se retrouve face à Marcus Bonfanti. Seul le Vauban permet cette proximité entre les musiciens et leurs publics. On se parle avec les termes usuels et protocolaires un peu con d’un début de conversation. L’ambiance est relax ! Soudain, Marcus nous lance: « Yeah, je me rappelle de vous et de votre hommage à Marco Pantani sur une chaîne de télé de chez nous. » Telle une claque, on reçoit le compliment de cette bête de scène en pleine tronche. Dubitatifs, on lui demande : « Tu connais le bike? » Avec un grand sourire et une gentillesse qui le caractérisent tant, il nous balance: « Oui, qui ne connait pas l’histoire du Pirate ? Cet icône, ce champion ! » Puis il nous rajoute les exploits de Sean Kelly, du jeune Aru de la bande à Vino et Fofonov d’Astana, de Sagan double champion du monde et du dernier Français qui le fut Laurent Brochard, etc… Bref, je commande alors très vite une autre bière à notre psy-barman du Vauban et une autre pour Marcus, le prince du Blues. Une longue conversation au bout de la nuit entre le cyclisme et le rock s’engage avant que Dieu ne nous les coupe telle la song « God’s Gonna Cut You Down » de Johnny Cash. En voici les morceaux choisis…
Marcus, comment t’es venu ce goût pour le bike ?
Marcus Bonfanti: « C’était avec mon père quand j’étais tout jeune. Mon père venait d’Italie et il était un grand fan de cyclisme. Nous faisions le tour de Londres ensemble, le dimanche, et il me racontait les grands champions Italiens de son enfance comme Coppi et Bartali. À cette époque en Angleterre, Channel 4 commençait à diffuser le Tour de France à la télévision et j’ai eu la chance de regarder mon propre cheptel de grands champions cyclistes: Mario Cipollini, Laurent Jalabert, Giani Bugno, Miguel Indurain, Laurent Brochard, Richard Virenque et bien sûr le plus grand Marco Pantani. »
« Jouer un concert sur un grand tour ? Ce serait un honneur de rencontrer ces gars qui, comme, nous se donnent jusqu’au stade ultime. »
Justement Marco Pantani, de nombreux groupes Rock lui ont rendu hommage en Italie, UK et en France comme les Wampas. Toi aussi tu aimes l’histoire du « Pirate ». Pourquoi le rock en a fait un icône dans le monde ?
Marcus Bonfanti: « Je me souviens d’avoir regardé le tour avec mon père à l’époque où Indurain régnait en maître. Il a gagné cinq ans d’affilée et il donnait cette impression qu’il pouvait le gagner pour toujours. Puis en 1997, j’ai vu Marco Pantani, il est arrivé troisième cette année, mais le regarder dans les montagnes c’était juste incroyable. Je ne me souviens pas si c’était cette année-là ou l’année suivante, je pense que c’était 1998, quand il l’a gagné cette étape, je me rappelle de la façon dont il a laissé Ulrich sur cette montée escarpée. Je me souviens d’avoir cette impression de regarder un homme surhumain, un ovni ! Je savais que Pantani était différent du reste du peloton. J’ai aussi aimé son attitude. La façon dont il s’habillait, dont il parlait.. Il était l’incarnation cycliste Rock n Roll. Il était unique, il était le « Pirate » !
Je ne connaissais pas l’histoire complète de Pantani jusqu’à ce que je regarde le film documentaire sur lui et ses exploits. Beaucoup de choses avaient été écrites sur lui dans les médias auparavant, parfois vraies et souvent fausses. J’ai vu ce film et j’ai aussi fait des recherches par moi-même. Je me suis rendu compte que lorsqu’il travaillait son endurance physique, il était plus surhumain que je l’avais alors imaginé. Sur le tour 1997, je me rappelle qu’il avait prétendu ne pas pouvoir pas le gagner, parce que l’itinéraire n’était pas assez dur ! Rien que de dire ça, il est déjà une icône ! Car c’était vrai, il pouvait grimper comme aucun autre cycliste dans les montagnes. Et il avait ces citations iconiques comme celle-là, en ayant ce talent mémorable qui font de lui une figure si vénérée par beaucoup encore à ce jour. Quand il est mort à Rimini, c’était un jour très triste pour moi et mon père, aucun autre sportif ne m’a fait sentir une telle tristesse, de cette façon. »
Bradley Wiggins et Peter Sagan parlent et font énormément de liens avec le rock et le cyclisme. Au Royaume Uni, c’est devenu un style de vie, comment expliques tu ce phénomène?
Marcus Bonfanti: « J’habite à Londres et c’est vrai que j’ai vu une augmentation massive de gens circulant à vélo, c’est génial ! Mon père circule encore sur la plupart de ces endroits et il a 71 ans maintenant. J’espère qu’il s’arrêtera bientôt pour que je puisse récupérer son vieux vélo de course (rires). C’est devenu un style de vie oui c’est exact. Pour ce qui concerne le lien avec le Rock n Roll, je me demande si c’est à une appréciation mutuelle du mode de vie folle des cyclistes et des musiciens. Le cyclisme est à mon avis est un sport d’endurance physique et mentale qui va jusqu’au stade ultime, il n’y a rien d’autre qui s’en rapproche. Le style de vie d’un musicien a des endurances similaires, pas sur la même échelle physique bien sûr (rires)! Mais c’est quelque chose que vous mettez de tout votre être, comme faire de la musique, c’est votre vie. Les cyclistes font de même avec leur propre style de vie. Le cyclisme est tout, et tout est cyclisme dorénavant. Peut-être que je suis « overthinking », mais je voudrais penser ce lien comme comparaison ! »
« Pantani, la façon dont il s’habillait et dont il parlait faisait de lui l’incarnation du cycliste Rock n Roll. »
Sur le Giro, la Vuelta, on peut aller voir des grands groupes de rock jouer avant et après les étapes. Pourquoi ne venez vous pas sur ces scènes ?
Marcus Bonfanti: « Ce serait un honneur, on n’y a jamais vraiment pensé. Demande à Antoine notre agent booking, il est français en plus (rires). Je ne savais pas qu’il y avait des concerts de rock sur les grands tours. Oui, ça serait vraiment sympa d’y jouer et de leurs rendre hommage ! De rencontrer ces gars qui, comme, nous se donnent jusqu’au stade ultime. »