Hier matin, plusieurs champions ont rendu hommage à Philippe Bouvatier qui nous a quitté le 7 avril dernier. Joel Pelier, son ancien équipier chez BH, lui a aussi rendu hommage par une lettre ouverte à son ami « Boubou ».
« Hier matin, j’ai pleuré… Ca m’arrive rarement, je crois que j’ai pleuré il y a bien longtemps la dernière fois et je ne pensais pas que la vie m’arracherait encore ce liquide salée et amer de mes yeux tant elle nous laisse des cicatrices. J’ai pris un coup de massue… Un 2ème coup de massue et je ne m’y attendais pas. Tu bouffais tant la vie . Tu ne m’avais pas, tu ne nous avais pas préparé à ça mon Boubou (Philippe Bouvatier)! Je n’arrive pas à l’imaginer, le concevoir, ni l’admettre.
Boubou, tu es mon ami mais je ne me souviens pas de te l’avoir dit un jour, tu le sais de toute façon. Il n’y a pas besoin de mots avec toi tant tu sais percevoir les gens. Toi, l’ami qui m’a accueilli dans le Team BH de Javier Minguez.à une époque où je doutais sur le pourquoi du comment de ma vie. Tu m’as appelé, tu pensais que j’avais encore des choses à prouver. J’en doutais mais au final tu avais raison. Tu voyais le meilleur chez les humains, tu trouvais les mots justes pour nous insuffler ce courage, celui qui nous pousse, celui qui soulève nos propres barrières. Tu m’as permis de donner le meilleur de moi même comme tu l’as fait avec tant d’autres. Avec du recul, j »ai réalisé cet état de fait que tu t’occupais plus des autres que de toi même, c’était ta philosophie.
Je me souviens quand tu m’as dit à mon arrivée chez BH: « Ecoute Jojo. On ne va pas manger ensemble, ni partager la chambre. Tu es mon ami mais nous sommes dans une équipe Espagnole. Tu dois d’intégrer, comprendre leur culture, parler leur langue. Tu dois montrer que tu veux appartenir à cette famille. » Puis à table, tu me racontais des blagues… Mais en Espagnol. .. Je me souviens de ton grand sourire à ce moment là et moi, penaud, tentant de relever ton défi. C’est toi cette philosophie; celle de te mettre à la portée des gens pour en tirer le meilleur et leurs permettre de s’élever.
Car c’est aussi grâce à toi que j’ai remporté cette étape du tour de France. Toi aussi tu l’as gagnée, on le sait tous, même si tu n’as pas levé les bras ce jour là. Elle est et restera ton étape!
J’ai appelé Javier pour lui annoncer la terrible nouvelle de ton départ. Un long silence, la gorge serrée pour ne pas pleurer et il a repris ses forces pour continuer à parler. Tu lui manques terriblement désormais, à nous tous.
Au delà du champion, tu es un homme bien. Je ne peux admettre ton départ tant la vie ne nous explique pas pourquoi ces choix, pourquoi toi? Tu es là, toujours là, de ma boîte crânienne jusqu’au fond de mon coeur que je croyais alors un peu sec.
Je ne te l’ai jamais dit ce pourquoi j’aime m’enfoncer seul dans ma forêt, parmi les arbres et mes ruchers. J’y vais pour vous retrouver tous. Je ne suis jamais seul dans ces bois, vous êtes là. Je sais que l’on se retrouvera un jour et que je verrai de nouveau ton regard avec ce sourire immense.
Tu m’as demandé de rejoindre l’Amicale du cyclisme il y a peu. Tu avais en tête cette mission de remettre la base de notre sport, l’humain, au centre du village, pour aider les coureurs et les clubs, tu voulais changer les choses établies et défoncer quelques barrières technocratiques. Et comme d’habitude, tu étais parti avec Bruno (Cornillet) dans un long raid un peu fou, ces trucs un peu dingues que tu aimais avec ce coeur gros prêt à faire exploser tout un peloton. J’espère que l’Amicale et « Des Vélos et des Hommes » continueront cette mission. C’est ton héritage, celui d’aider les autres pour s’élever tous ensemble, au delà de nous même.
Je pense à ta famille, tes enfants, à Fiona ta moitié à qui j’adresse mes sincères condoléances. Je ne trouve pas les mots pour les consoler, je pense énormément à eux. J’ai connu ce moment où tout semble s’écrouler sous nos pieds, sous le poids de notre corps soudainement trop lourd.
Cet après midi, je vais rejoindre mes arbres, mes ruchers, loin de tous mais tout près de toi. Je suis sûr que je sentirai ta présence. Tu es là en chacun de nous tous et partout désormais …
Joel »