La mythique ascension du Tre Cime di Lavaredo a été la scène d’une légende à la hauteur d’un exploit incroyable par une journée en enfer le 1er juin 1968, 12ème étape du Giro de cette édition. Ce jour là , le jeune champion du monde Eddy Merckx (22 ans) avait humilié la montagne, la météo et tout un peloton. L’ère du cannibale avait commencé. Elle durera jusqu’en 1974
La première ascension du Tre Cime Di Lavaredo en 1967
Le Tre Cime di Lavaredo était le dernier col d’une série de montées effroyables et glorieuses que Vincenzo Torriani avait introduites sur la Corsa Rosa après avoir succédé à Armando Cougnet en 1949, mais cette montrée n’avait pas eu tout à fait l’impact que l’organisateur avait espéré pour ses débuts .
En effet, le 8 juin 1967, la première fois que les 3 Cime ont été abordées, Bruno Raschi (de la Gazetta Dello Sport) les avaient même surnommées comme les « Montagnes du Déshonneur » en raison du comportement indigne des spectateurs et des coureurs.
Cette étape s’était terminée par une mauvaise farce : la montée finale inédite a été prise d’assaut par les fans et lorsque Wladimiro Panizza s’est présenté seul en tête avec 3 minutes d’avance sur les poursuivants, la voiture qui l’accompagnait a fait de son mieux pour éloigner un public devenu fou. Mais à l’arrière, les autres coureurs s’accrochaient aux véhicules de course et bénéficiaient des poussées des supporters. Résultat, Panizza a été rattrapé et dépassé par Felice Gimondi
Immédiatement après l’arrivée, le vainqueur du jour, Felice Gimondi avait déclaré « C’est une honte« . La Gazette Dello Sport titrait en une le lendemain : « Les montagnes du déshonneur« .
Sans se laisser décourager par ce fiasco monumental, le directeur du Giro, Torriani, a remis la montée du Tre Cime di Lavaredo en mai suivant. Il lui fallait laver cette honte sur l’Italie.
1968
Ce 1er juin 1968, 12ème étape du Giro, tout comme en 1967, les conditions étaient déplorables, les sommets voilés d’épais nuages noirs, la neige et des vents violents rongeaient les forces mentales et physiques des coureurs. Mais cette fois ci, les fans se sont contrôlés et ont laissé le peloton souffrir honnêtement sur ce qui reste l’une des ascensions les plus difficiles d’Italie.
Ce jour là, Eddy Merckx (22 ans) était à une minute et demie de Michele Dancelli alors leader au général. Sur le final de cette étape, 12 coureurs mènent le bal. à travers la neige, le froid et de violentes rafales. A 30 kilomètres de l »arrivée, le jeune Eddy Merckx a lancé son attaque, son exploit. Il les a d’abord rejoint malgré les neufs minutes d’écart. Puis ignorant leurs existences, il les a dépassés, inconscient face à ce froid malgré ses manches courtes. Il était déterminé à prendre cette victoire qui aurait semblé impossible à n’importe qui d’autre.
Au sommet, Merckx n’avait plus la force de lever les bras, épuisé et tétanisé par le froid, Il déclara; « Pour moi, c’est la montée la plus difficile que j’aie jamais faite. J’y ai peut-être fait la meilleure ascension de ma carrière »
La légende raconte que Felice Gimondi aurait pleuré après avoir franchi l’arrivée. L’Italien avait perdu plus de 6 minutes. Il déclara même avoir subi une « humiliation« .
Merckx remporta son premier Giro, devançant son coéquipier Vittorio Adorni de cinq minutes, et Felice Gimondi de neuf minutes.