Johann Bruyneel est devenu coureur pro dans les années 90 avant de devenir DS dans les année 2000. Dans une interview accordée au magazine Eddy, le Belge (qui ne renie pas sa culpabilité) se lâche sur cette époque qui a tant fait mal au cyclisme avec Richard Virenque ou Lance Armstrong, cette génération de coureurs qu’il qualifie de « Génération EPO », celle des années mi 90 et de la première décennie des années 2000. C’est depuis cette génération que le cyclisme paye la note et que nos jeunes subissent les doutes. Une dizaine d’années sous EPO qui ont changé l’image du cyclisme et dont la nouvelle génération s’efforce à redorer. Désormais, dès qu’un jeune gagne, il est suspect (surtout si il n’est pas Français)… Les héritiers payent la note tandis que les responsables leurs font une certaine morale sur les médias TV, réseaux sociaux ou associations diverses (faut bien se redorer le blason) … Désormais, Bruyneel reste banni à vie du cyclisme mais il sait que les jeunes coureurs ont retenu la leçon de cette époque et que désormais la « dope » n’a plus sa place dans le monde pro. Mais l’image est là, indélébile et si difficile à effacer qu’une place de mazout collée sur un rocher après le naufrage d’un super tanker au large du Finistère.
« il fallait une personne d’une certaine célébrité pour servir d’exemple, pour être sacrifiée, et Armstrong était la cible idéale. »
Bruyneel:
» LeMond (triple vainqueur du Tour en 1986, 1989 et 1990, NDLR) a déjà dit?: « Je suis le seul vainqueur propre du Tour de France. » C’est impossible ! Impossible ! À ce niveau, au top mondial, les différences sont infimes. Propre, tu ne peux pas battre les autres favoris lorsqu’ils sont dopés. Le dopage, à l’époque, c’était l’une des règles du jeu, sauf qu’elle n’était pas écrite. On courait tous le risque qu’un jour, quelqu’un brise la loi du silence. Mais jamais je n’aurais pensé que ça allait déboucher sur un tel acharnement contre Lance et moi. À un moment donné, il fallait une personne d’une certaine célébrité pour servir d’exemple, pour être sacrifiée, et Armstrong était la cible idéale. »
Moi j’ai connu l’avant-EPO et l’EPO, et dans un cas comme dans l’autre il n’y avait pas le choix. Déjà, quand tu arrivais chez les professionnels (à cette époque), tu intègrais un monde qui te mettais très vite face à un dilemme : soit tu t’adaptes et tu te dopes, soit tu disparais. La première année c’est difficile, mais tu t’accroches, puis tu t’aperçois lors de ta deuxième année que ceux qui étaient avec toi chez les amateurs, maintenant ils te déposent. Tout d’un coup tu vois des mecs autour de toi qui deviennent des machines au Tour de France, alors que le reste de l’année… Toi, si tu n’es pas lâché, si tu restes aux alentours de la 60e place, tu peux t’estimer heureux. Alors bon, tu fais quoi?? Tu pourrais dire non, mais alors tu sais que tu échoues, tu fais une croix sur ton métier, ta vocation, tu mets à la poubelle ces longues années de souffrances et de privations pour atteindre le peloton professionnel. »
faites en sorte que vous ne soyez pas pris.
« Quand j’étais coureur professionnel, c’étaient d’abord les injections de récupération, la cortisone, la testostérone? Puis, comme directeur sportif, c’était l’EPO. J’ai arrêté de courir en 1998, je suis devenu directeur sportif en 1999, alors forcément rien n’avait changé. Moi, je me suis demandé : comment contrôler tout ça? Il y avait des directeurs sportifs qui savaient pertinemment ce qui se passait, mais ils préféraient faire comme si de rien n’était. Ils disaient simplement à leurs coureurs : faites en sorte que vous ne soyez pas pris. Mais moi, je savais bien qu’avec ou sans l’assentiment de l’équipe, mes coureurs allaient de toute façon se doper. J’ai donc dit : si on ne met pas ça dans un cadre, on court à la catastrophe. Quand j’ai commencé, il n’y avait pas encore de contrôle à l’EPO. Il fallait juste respecter la limite de 50 % à l’hématocrite », ajoute notre compatriote qui confirme qu’il était au courant de tout ce qui se prenait comme dopage au sein de son équipe.
Les dirigeants de l’UCI et la presse le savaient
« Bien sûr qu’ils savaient. Mais ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir. Il n’existait pas de méthode clinique pour détecter l’EPO, ils ont donc instauré la règle de l’hématocrite limité à 50 % ce qui prouve qu’ils étaient au courant que le produit dopant circulait. Après ça, c’étaient les transfusions sanguines, indétectables. Alors comment faire?
Tous les journalistes savaient. Quelques-uns se sont lâchés. Mais tous les autres, ils se taisaient. Ils ne voulaient pas salir le sport qu’ils couvraient, ils avaient trop peur de perdre de l’audience. »
Le dopage mécanique?
« Moi, le moteur dans le vélo, je n’y crois pas. En tout cas, pas dans le cyclisme professionnel. Le dopage mécanique, si on te prend, tu es coincé, tu ne peux pas nier. Alors que le dopage physique, c’est dans ton corps, tu peux toujours trouver une excuse quelconque Ceux qui se font prendre, ce sont ceux qui ont mal calculé, ou dont le corps a réagi d’une manière inattendue à la prise de produits dopants. Le dopage mécanique, il n’y a pas de porte de sortie. Le risque est trop grand. » 7
Les jeunes champions sont propres
« J’observe un changement de mentalité. Les jeunes, aujourd’hui, il ne faut même pas leur parler de dopage. Ça n’entre pas dans leur raisonnement, c’est complètement étranger à leur culture. Même les vitamines, c’est déjà limite. »