Comme sur chaque étape de repos sur le tour, l’ancien vainqueur d’étape sur le Tour de France et sur d’autres batailles, Joel Pelier, nous donne son analyse sur la semaine passée. L’apiculteur regarde chaque jour le tour de France pendant qu’il s’occupe de ces ruches. De loin, il regarde cet autre essaim migrant chaque jour vers Paris.
« On a un beau tour de France ! Oui, je l’aime ce tour 2020
Déjà, le tour est là alors que le monde entier vit au rythme quotidien des décisions sanitaires, celles que les états modifient en fonction de la progression de ce satané microbe. Alors que certains voulaient le tuer (le tour), il avance et progresse en restant tant bien que mal dans les clous, même si parfois cela nous attriste de ne pouvoir encourager les gars sur ces pentes mythiques. C’est le prix à payer pour notre survie, pas vraiment grand chose si on regarde vers l’avenir. C’est déjà un sacré défi pour l’organisation et le peloton de pouvoir exister en 2020.
N’oublions pas que le Tour de France est la reprise de la saison professionnelle après ce confinement,
Et heureusement que le tour existe ! Car on a vu de belles batailles en première semaine avec Nans Peters par exemple ou comme celle livrée par Marc Hirschi et le Team Sunweb! Dès le début, il nous avait régalé le minot et ensuite, cette semaine, c’est toute cette équipe qui nous a encore fait le show en deuxième semaine! Ils ne comptent leurs efforts, ils roulent à l’instinct, au plaisir comme Nicolas Roche, leur capitaine, qui n’a jamais mis pied à terre en 10 tours de France, ca mérite le respect non? Certes, ils n’ont pas de leaders pour le général mais regardez d’autres équipes qui ont ces objectifs et qui désormais se retrouvent fort démunis, les mains derrière et devant, face au Géant qu’est la Grande Boucle!
Car certains champions ont vraiment « pété » sur ce tour, en septembre ! N’oublions pas que le Tour de France est la reprise de la saison professionnelle après ce confinement, ce vide sidéral, ce temps en suspend, que nous avons tous vécu. Ce ne sont plus les mêmes données que le mois de juillet où les gars ont déjà des mois de courses dans les jambes.Non, c’est le contraire, le Tour est là, dès la reprise. Et tous commencent avec un moteur plus ou moins à froid et surtout avec beaucoup d’incertitudes quand à l’état de forme à la fin de l’été.
Sam Bennett se bat comme un Irlandais, avec hargne et fierté
Mais malgré tous ces paramètres à nous flinguer l’âme, j’ai vu des belles bastons comme celle entre l’Irlandais Sam Bennett, avec son « fighting Spirit », et Peter Sagan pour le maillot vert ! Ca faisait un bail que l’on ne s’était pas battu autant pour la couleur de l’espoir ! Combien d’entre nous attendent fébrilement que l’Irlandais pose pied à terre et capitule face au Prince Slovaque ! C’est un peu pervers mais c’est le cyclisme non? Mais non, le Celte serre les dents et se moque des regards. Comme ce Roi Sean Kelly venu, comme Sam, de Carrick on Suir. Comme mon ancien leader chez KAS, il y va à la hargne et à la fierté, il se bat comme un Irlandais !
Ce que j’aime aussi ce coureur qu’est Guillaume Martin, qui s’accroche envers et contre tout. Il sait qu’il n’a pas encore le niveau des grands grimpeurs mais il ose, quitte à se faire péter en affolant les alarmes de son cardio, sur les dernières pentes! Mais qui n’ose pas, ne gagne pas. Il la claquera cette étape bientôt, il sera dans le top 10 du tour , au panache, à l’intelligence et au courage, il sera là l’année prochaine et les éditions suivantes, j’en suis sûr !
Pierre Rolland, du panache à en revendre tout comme cette belle équipe B&B Hotels Vital Concept. Je suis persuadé qu’il va en claquer une !
Et puis il y a Pierre Rolland, « l’ancien » qui ose et qui donne l’exemple ! Beaucoup d’entre nous aiment ironiser avec « Attaque de Pierre Rolland » ! Mais bordel, qu’elles nous font du bien ces attaques non? Hier, il savait très bien qu’il allait au carton mais il y a été pourtant, au panache. Désormais, il est désormais à la conquête du maillot à Pois! Ce serait vraiment une belle récompense pour le team de Jérôme Pineau pour leur première participation. A l’image de la Sunweb, mais à moindre échelle et budget, ils se battent et montrent le maillot comme Quentin Pacher ! Et c’est de ça que certains ironisent? Mais sérieusement, heureusement qu’ils sont là pour le cyclisme Français ce team B&B Hotels Vital Concept, on s’emmerde beaucoup moins durant les étapes ! Je suis persuadé que Pierre Rolland va en claquer une, il nous est revenu comme un jeune cadet, avec passion et envie, et c’est aussi grâce à l’esprit de cette équipe « Men In Glaz » comme ils aiment s’appeler ces irréductibles Bretons.
C’est toute l’équipe Jumbo qui a la dalle. Une culture chez eux, cette rage de gagner comme chez Ineos, Renault Elf et la Vie Claire il y a bien longtemps.
Mais cette année, c’est au tour de la Jumbo Visma de faire la loi dans le peloton du tour comme le fit avant le team Ineos ou il y bien longtemps les équipes Renault Elf, la Vie Claire. Souvenez vous, à cette époque, on râlait contre ceux qui critiquaient ces 2 grandes équipes françaises ! Mais depuis les années 80, le cyclisme est devenu international et il concerne toutes les nations. Gagner devient de plus en plus difficile avec tous ces champions qui ont vraiment la dalle !
Ce que fait Jumbo Visma est à l’image des champions qui la composent. Ils avaient annoncé l’année dernière qu’ils construiraient une équipe pour gagner le Tour et ils ont tenu leur promesse. Primoz Roglic, déjà vainqueur de la Vuelta, n’est pas le premier venu tout comme Tom Dumoulin. Eux, ils ont déjà gagné des Grands Tours. Et Wout van Aert, le polyvalent tout comme son adversaire Mathieu van der Poel, tous deux issus du cyclo cross (discipline laissée pour compte par notre fédé)! C’est toute l’équipe qui a la dalle. C’est une culture la victoire chez eux, cette rage de gagner comme chez Ineos, Renault Elf et la Vie Claire il y a bien longtemps.
Mais ce n’est pas encore gagné tout de même pour la Jumbo car ce diable de Pogacar ( peut être gaulé comme un oiseau mais une vraie boule de hargne, une teigne) et il ne faut pas le prendre pour un asticot (je m’égare là). Il est là, tout près, prêt à voler dans les plumes à la moindre erreur de ce renard de Roglic. Et n’oublions pas le futé et expérimenté Rigoberto Uran. il ne dit rien avant de mordre sa proie ! Non, rien n’est joué sur ce tour et tout reste possible. Comme la défaillance d’Egan Bernal, qui l’aurait imaginé ? Certes, des millions d’entre nous après les faits, comme d’habitude !
Arrêtons de nous regarder le nombril…De notre mépris, triste est notre univers et notre connerie redoutable
Et que faisons nous, nous les arrogants français? Les râleurs, les aigris? On devient encore plus con et encore c’est un euphémisme cet adjectif. Quand je regarde les commentaires de certains sur les réseaux sociaux, les sous entendus de certains médias., je me dit que j’ai honte d’être français, moi qui aime tant ce pays et dont j’ai porté fièrement les couleurs nationales! Merde, les gars, on déconne là ! De notre mépris, triste est notre univers et notre connerie redoutable.
Arrêtons de jalouser les autres et mettons nous au travail ! Arrêtons de nous regarder le nombril, de nous extasier en pensant que l’on a enfin le remplaçant de Bernar Hinault à chaque fois qu’un français claque une ou deux étapes de montagne! On en a vu des vainqueurs virtuels du tour depuis 36 ans dans les médias ! A chaque fois, 3 pages dans les grands quotidiens pour annoncer la venue du messie mais des années après cette excitation d’adolescent boutonneux, personne n’a encore remporté le tour depuis Bernard. Messieurs les médias, cessez de jouer les Rois Mages quand l’un de nos gars pousse son premier cri à sa première victoire d’étape.
Pourquoi n’arrivons nous pas à gagner notre propre tour?
Ce n’est que mon avis et si il ne vous plait pas, vous pouvez alors tirer la chasse d’eau. Pourquoi ? Car nous sommes devenus des fonctionnaires du sport! Non pas que je dénigre les fonctionnaires et la fonction publique, c’est le côté de la sécurité d’un emploi à vie pour la plupart dont je parle.
Tu veux gagner de l’argent? Alors gagne des courses et on en reparle
Chez nous, au pays de l’hexagone, quand on rentre dans un team désormais, c’est pour acquérir un niveau de vie. On ne parle plus de victoire mais de contrats longues durées pour payer les crédits de la belle maison et belle bagnole que l’on vient de se payer. Et dans les derniers mois, on se sort les doigts pour aller en claquer une histoire de renouveler son style de vie pour 3 ans. Oh, il faut se réveiller là! Nous sommes dans le monde professionnel du sport non? Nous ne sommes pas là pour se faire une carrière en CDI sinon il y a des concours pour ça, pour la sécurité de l’emploi. Comme disait Bernard Hinault : » Tu veux gagner de l’argent? Alors gagne des courses et on en reparle« . Désormais, on marche à l’envers, on paye d’abord les gars avant de les voir gagner. Tu crois que le mec veut vraiment se casser le cul quand son compte en banque est bien fourni avant l’heure?
Car en face, les gars (ceux que les ignorants aiment à critiquer) courent avec la rage, la dalle et l’envie. Et souvent avec des salaires à surprendre plus d’un coureur tricolore. Ils bossent comme des dingues, roulent et s’entrainent tout le temps. Ils mangent, dorment et vivent cyclisme tout en espérant rafler le Graal. Ils n’ont que ça dans leurs caboches et leurs tripes, ils savent que la carrière d’un pro est courte et qu’elle se mérite !
Certains Français devraient en prendre exemple sur ces équipes étrangères au lieu de cultiver son propre melon dans les pages des médias nationaux
De plus, j’ai remarqué que les coureurs étrangers étaient tous des fins connaisseurs de l’histoire du cyclisme (ça fait plaisir aux gardiens de notre mémoire comme Pascal Sergent, leurs témoignages sont lus en anglais sur les 4 coins du globe). Ils peuvent vous sortir le scénario d’une baston qui a eu lieu 40 ou 50 ans avant, dans un bled paumé et ils en tirent même des leçons. Ils apprennent sans cesse. Quand je me ballade sur les départs ou arrivées, ce sont toujours des coureurs étrangers qui reconnaissent les anciens champions et qui viennent les saluer. Certains Français devraient en prendre exemple au lieu de cultiver son propre melon dans les pages des médias nationaux ! Les coureurs étrangers, eux, veulent rentrer dans l’histoire.
Redevenons ce que nous étions ! Des gagnants , des « crève la dalle » !
Alors à ceux qui pestent contre les équipes étrangères, (je rappelle que Julian Alaphilipe est dans un team Belge car aucune française n’en voulait) levez votre menton, bomber le torse et arrêtez de vous admirez le nombril! Notre cyclisme est à l’image de notre fédération, fonctionnarisé. Il est devenu un monde de notables qui ne se bougent que pour garder leurs fauteuils d’élus.
Au temps de Jean De Gilbady, c’était un autre cyclisme, nous avions faim et nous étions humbles. Notre sort, on le méritait. Si on faisait de la merde, tu peux être sûr que tu rentrais à l’hôtel la queue entre les jambes en attendant la gueulante du boss. Il nous pourrissait, nous mettait plus bas que terre mais le lendemain, vous mettiez tout en oeuvre pour lui prouvez qu’il avait tort et gagner de nouveau son respect.
Tant pis si je passe pour un vieux con car je le suis certainement, mais redevenons ce que nous étions ! Des gagnants , des crève la dalle ! Je ne regarde pas le passé avec une certaine tristesse ou aigreur mais je regarde plutôt le futur avec beaucoup d’espoirs! Réveillez vous, fermez vos gueules, arrêtez de regarder le cul de la voisine et pédalez devant, encore et encore, pour que le tour puisse nous faire retentir notre bonne vieille « Marseillaise » sur les Champs Elysées, sur cette avenue dédiée pour le Triomphe !
Et quand cette musique retentira, c’est tout un peuple qui remettra son cuissard et son maillot.
Bon, j’ai assez causé je pense. Je vous fous la paix et je vais retrouver mes abeilles et mon miel en regardant cette grand ruche qu’est le tour! Et croyez moi, ce seront deux bon crus cette année, mes ruches et le Tour de France. Il sera beau ce maillot jaune comme le miel. Bordel, ce que je l’aime ce tour, ce cyclisme ! »
JOEL PELIER
Je vous laisse ma carte de visite si une envie vous vient de venir nous rendre visite en Franche Comté, en Haute Sâone, ou alors de causer des histoires du cyclisme ou de ruches, la même chose au final !