Le cyclisme est l’un des rares sports au monde qui tente de maintenir ses épreuves durant cette année qui a vu notre planète entière se mettre à genou devant ce « putain » de microbe. On le sait, ce monde pro ne doit sa survie qu’à ses sponsors et aux courses télévisées qui permettent de leurs donner un visuel. Sans eux, c’est un cataclysme qui s’abattra sur le peloton. Mais quand les beaux jours reviendront, le peloton repartira car lui, contrairement à nous pauvres humains, ne meurt jamais.Mais derrière ces courses, ces champions, ces équipes, il y a aussi des « intermittents du sport », de ces monteurs de scènes et podiums, sonorisateurs, société de production télévisuelle ou encore ces speakers comme le maitre « Jedi » Daniel Mangeas ou désormais les « Padawan » comme Michel Gelize, Marion Hérault Garnier, Damien Martin, Gregory Pelleau ou Eric Balch, un monde de fourmis discrètes et besogneuses.
Ils sont aussi les gardiens de notre monde mais ne font pas la lumière des médias en ces temps difficiles, ils ne se plaignent pas non plus, ne chialent pas sur ce mauvais coup du sort alors que leurs frigos se vident au fur et à mesure de cette « putain » d’horloge. Mais chez eux, l’espoir nourrit.
Marion Hérault Garnier fait parti de monde qui fait peu parler de lui mais qui sont les rouages essentiels des événements.
Ce petit bout de femme, la seule en France, est speaker. Ce covid a flingué son job. Sa voix s’est éteinte le temps de cette tempête qui déglingue les phares les plus arrogants, jusqu’au bout du monde. C’est le spectacle le plus dingue qu’elle n’ai jamais vue, et elle nous a accordé ses commentaires, l’espace d’un instant dans ce monde figé.
Du rire aux larmes, puis du désespoir à l’espoir, elle est passé par tous les caps de cette tempête. Mais elle est toujours debout en tenant fermement la barre, attendant de retrouver ce chaudron magique qui se situe toujours à l’extrémité des arc-en-ciels, ces couleurs qui nous redonne cette énergie, celles qui arrivent après l’orage quand le soleil pointe enfin le bout de son nez après ce tsunami.
Marion est de cette trempe, elle dévore la vie malgré, parfois, son côté amer. Soutenue par son clan qui lui rappelle à chaque instant que le vie est belle, son optimisme prime toujours sur le reste. Après tout, ce ne sera qu’une mauvaise histoire au final comme elle le rappelle. Marion Hérault Garnier, ce petit bout de femme qui nous fait du bien à la gueule par son optimisme !
On vit une période qui nous dépasse tous, qui dépasse les frontières du sport. On doit faire avec, nous n’avons pas vraiment le choix
Comment as tu réagi à l’annonce du 1er ministre au sujet des événements sportifs interdits jusqu’au 1er septembre?Marion Hérault Garnier :
« Étonnement, je suis restée plutôt sereine… Depuis plusieurs jours maintenant, je suis devenue un peu fataliste ! Je ne me fais plus beaucoup d’illusions sur une éventuelle reprise de la saison, du coup, ça évite aussi l’ascenseur émotionnel qui m’a clairement usé moralement depuis mi mars.
Je pars donc sur le « pire » scénario, quitte à avoir une « bonne » surprise. J’ai surtout de grosses pensées pour les sportifs, chacun a son histoire, ses objectifs, et quand on mesure les sacrifices que ça représente, c’est vraiment dommage pour eux. Maintenant, on vit une période qui nous dépasse tous, qui dépasse les frontières du sport. On doit faire avec, nous n’avons pas vraiment le choix. »
Économiquement c’est difficile mais je mesure encore une fois la chance d’être en France
Depuis le mois de mars, tu n’as plu de revenu. Comment les intermittents du sports (ou spectacle?) gèrent ils cette crise depuis?
« Pour le coup, ce n’est pas secondaire. Économiquement c’est difficile mais je mesure encore une fois la chance d’être en France. Personnellement, je bénéficie du fond de solidarité (je ne bénéficie pas du statut d’intermittente, je suis en micro entreprise), ça permet de remplir le frigo et de rembourser les emprunts de la maison et la voiture (dans laquelle je passe normalement plus de temps que dans la première !).
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Donc vraiment, heureusement qu’il y a cela. Maintenant on ne va pas se leurrer, c’est une période où je fais habituellement l’écureuil pour subsister l’hiver. Rien qu’en avril, je devais partir 22 jours de chez moi. Tout le chiffre qui ne rentre pas maintenant, je ne le referai pas plus tard, c’est donc parti pour minimum 1 an de galères financières, d’autant qu’on ne sait pas combien de temps vont durer les aides de l’Etat.
J’espère que tous résisteront à cette crise et qu’à l’avenir on parlera de tout ça sans trop de souffrances, mais comme d’un mauvais souvenir…
Je parlais des emprunts, franchement là encore, j’ai de la chance, je n’ai pas de matériel à amortir, mes cordes vocales ont cet avantage. Par contre, dans le milieu de l’évènementiel, je pense plus particulièrement aux autres prestataires qui nous permettent de travailler : sonorisateurs, chronométreurs, production visuelle, écrans géants, podiums… Il y a énormément d’investissements, et plus aucune rentrée d’argent. J’espère que tous résisteront à cette crise et qu’à l’avenir on parlera de tout ça sans trop de souffrances, mais comme d’un mauvais souvenir… »
Ne pas transmettre la peur de l’avenir à mes filles, elles sont mon moteur
Comment va ton moral?
« Le moral je pense comme tout le monde est en dents de scie. Il y a des jours ça va, d’autres où l’angoisse prend le dessus. La peur de l’avenir est ce qui me mine le plus. Et ce qui est difficile, c’est de ne pas le transmettre à mes filles. Elles sont mon moteur, l’innocence de l’enfance leur fait garder leurs sourires, même si l’école et les copains leurs manquent. Je me nourris de leurs rires. Pour le reste on tache de s’occuper au maximum, ça évite de cogiter, alors sport, jeux vidéos (je passe beaucoup trop de temps à jouer à Call of Duty sur mon téléphone, oups), netlix et cuisine à fond !
On l’a pas vu venir, on a pris ça à la légère… C’était en Italie, pas chez nous..
Depuis ce 14 mars que personne n’a vu venir, quel est ton regard sur la vie?
M.H.G : »Franchement, clair qu’on ne l’a pas vu venir !! J’étais à ce moment là sur Paris Nice, et on n’imaginait pas ce qui nous attendait. On envisageait de reprendre courant mai, on ne mesurait pas ce qui se passait. C’est un peu le principe de la mort kilométrique, tant que ça ne touche pas près de chez nous, on prend un peu ça à la légère… C’était en Italie, pas chez nous..
Je pense d’ailleurs qu’aujourd’hui, on n’a pas le même ressenti sur la situation qu’on soit par chez nous où l’on est finalement peu touché que dans l’Est par exemple, l’interview de Thibaut Pinot il y a quelques jours va en ce sens d’ailleurs. Alors ma vision de la vie, elle reste la même qu’avant finalement, c’est qu’elle est précieuse. Donc on reste chez soi, on prend son mal en patience et on attend que ça passe. »
Difficile de garder espoir sur le plan sportif, mais sur celui de la santé, oui j’ai de l’espoir
Gardes tu de l’espoir pour la saison 2020?
M.G.H : » Si tu veux parler des évènements sportifs, non. Je préfère prendre le « risque » d’être agréablement surprise. Mais quand on reçoit quasi quotidiennement des appels ou mails d’organisateurs qui annulent, y compris pour septembre ou octobre, c’est difficile de garder espoir. J’essaye de me détacher de tout cela, il sera temps de faire le point quand on en saura plus.
Pour l’aspect sanitaire, oui, là j’ai de l’espoir ! Les scientifiques travaillent sur l’élaboration d’un vaccin, plus le temps passe, plus ils vont connaître le virus et pourvoir nous permettre de lutter contre celui-ci. C’est un domaine qui me dépasse alors encore une fois, il faut attendre, et en attendant, la seule chose à faire est de rester chez nous. Il y aura forcément un après, mais il est trop tôt pour imaginer ce à quoi cela va ressembler. »
Vivement qu’on puisse refaire tout cela… Là, trop, c’est trop
Qu’est ce qu’il te manque le plus depuis que les événements sportifs sont rangés dans un tiroir?
M..H.G : »Les gens ! Le contact ! Je devais retrouver cette semaine toute l’équipe du tour de Bretagne, 365 jours qu’on attendait cela, et il faudra encore attendre. On crée forcément des liens sur les épreuves, et j’aime ces moments de convivialité qui font parti du métier. Et bien sur, l’adrénaline de la course me manque, c’est le coeur du métier, je fais ça par passion avant tout ! Bouger, voir du pays également ! Pour mieux revenir chez moi aussi après un déplacement, comme un retour aux sources, avec un petit coin de paradis familial à quelques kilomètres de chez moi où l’on se retrouve avec les parents, oncles et tantes, cousins… et mes chèvres ! Vivement qu’on puisse refaire tout cela… Là, trop, c’est trop ! »
Continuer de vivre mon rêve, tout en gardant les pieds sur terre,
Malgré ce gros coup dur, ce métier tu veux le continuer?
M.H.G. : « Comme je le disais, ce n’est pas qu’un métier, c’est ma passion, je dirai même que c’est ma vie. Je voulais faire ça depuis toute gamine… La question de trouver un autre emploi histoire de remplir les caisses s’est posé. Bon, comme l’histoire de la garde des enfants se pose aussi je repousse pour le moment, et puis ça n’embauche pas tellement. Mais au final, quand je réfléchis à l’idée de retourner dans ce qui était mon métier avant, à savoir commerciale, on ne peut pas dire que je sois particulièrement emballée ! Donc c’est un grand OUI pour continuer de vivre mon rêve, tout en gardant les pieds sur terre, je n’aurai peut être tout simplement pas le choix. »
Cette épreuve fait ressortir le meilleur et le pire de chacun
Quelle sera ta conclusion à la fin de ce histoire?
M.H.G. : « Happy-end… C’est à la fin de l’histoire qu’on en tire une morale, on est en plein dedans, on ne peut pas encore savoir ce qu’il faudra en retirer. Mais après la pluie, il y a toujours le beau temps et un bel arc-en-ciel se pointe. Je me concentre là-dessus. Après j’en retiens quand même que le genre humain est capable du meilleur comme du pire… Peut faire preuve de solidarité… et puis il y a les autres, ceux-là, autant dire que ce sont des cas désespérés. Cette épreuve fait ressortir le meilleur et le pire de chacun. Fataliste peut-être, mais mon côté optimiste n’est jamais bien loin 😉 »