Il est inconnu du public mais il nous a donné une belle leçon de courage sur les routes du Yorkshire et pas seulement qu’aujourd’hui. Il se nomme Nazir Jaser, 30 ans, et il court pour les couleurs de son pays, en guerre, la Syrie mais sûrement pas pour le régime en place .Certes, il n’a pas terminé dans le top 10 parmi les cadors du chrono mais à la 56ème place à plus de 24 minutes de Rohan Dennis. Il a fini le dos en sang, le maillot déchiré mais il voulait tant le finir ce moment si intense. Et pour cause…
Nazir Jaser a raconté son histoire au magazine WD. Il a parlé de cette guerre, de son exil, de sa traversée sur des pneumatiques, de son périple et son arrivée à Berlin. En 2015, le natif d’Alep a fui sa ville à feu et en sang pour se réfugier à Damas chez son ami coureur et star national Omar Hasanin. Mais ce denier fut arrêté par le régime au pouvoir. Torturé, il ne remarcha jamais. C’est à ce moment là que Nazir Jaser et d’autres coureurs du team national ont décidé de fuir le pays, cette guerre.Nazir Jaser et ses coéquipiers ont alors élaboré un plan pour fuir en prétextant une visite familiale à la frontière. Ils ont vendu leurs vélos pour se payer le voyage, 1300 euros la place sur le bateau pneumatique, rempli de 45 personnes, pour traverser cette mer entre la Turquie et les îles Grecques. Ensuite l’errance à travers l’Europe, apprendre à vivre dans la rue, survivre coute que coute, et enfin atteindre l’Allemagne à Berlin en 2015 où ils trouveront refuge au vélodrome de Berlin. Ils frappèrent à la porte d’un pistard nommé Franck Roglin. L’entraineur allemand les a accueilli et les pris sous son aile. A Berlin, sur la piste de ce vélodrome, Nazir Jaser y posa son seul bien ; son sac à dos. Il y a appris la langue (qu’il parle très bien), trouva un emploi dans le sport et court pour un club amateur. L’UCI a autorisé les 2 coureurs syriens à courir les championnats du monde, un symbole pour cette jeunesse. Nazir Jaser
« Je suis le seul amateur sur ses championnats du monde. Je travaille chaque jour, à Berlin, et le soir je m’entraine. C’est un peu … En 2017, à Innsbruck, il y avait une dizaine de coureurs derrière moi »
Sa fuite de la Syrie en 2015
« Nous avons d’abord roulé en voiture. Puis nous avons été pris sur des bateaux. Nous avons vendu nos vélos pour pouvoir payer le voyage. L’évasion était coûteuse et tout n’était pas toujours officiel. Il fallait de l’argent. Le bateau pneumatique de la Turquie jusqu’à l’île grecque coûte à lui seul 1 360 €. Laisser mon vélo derrière moi m’a fait mal. Mais il n’y avait pas d’autres alternatives.
Je sais nager. Je savais que j’y arriverais. Mais il y avait des femmes et des enfants dans le bateau. C’était terrifiant…
Certificats, photos, médailles, trophées. J’ai dû laisser derrière moi tout ce que j’avais gagné sur un vélo. La guerre a bouleversé ma vie…Notre appartement n’existe plus, tout a disparu, tout… »
Alors cette chute aujourd’hui, Nazir Jaser n’en avait que faire. il vivait son rêve, pas seulement celui d’un coureur, mais celui d’un homme revenu de l’enfer tentant de chasser les démons du passé, un homme qui veut simplement vivre le présent, avoir un futur.
Rohan Dennis a remporté le chrono mondial. Nazir Jaser, comme les siens, quant à lui a remporté une victoire sur la vie.
Photo SEAN ROWE/CYCLING IRELAND