36 piges déjà que le Tro Bro Léon a vu le jour … Bien plus âgé que sa cousine Italienne nommée « la Strade Bianche », bien plus encore que certaines courses du « pays d’à côté » qui utilisent dorénavant, elles aussi, ces fameux chemins de pierre que l’on nomme Ribinous, ceux du Pays des Légendes, des Abers, du Léon.Jean Paul Mellouet (boss du Tro Bro Léon);
» C’est vrai que l’on me prenait pour un fou à l’époque. J’ai eu le droit à tous les noms mais je m’en foutais totalement. Dans notre pays, on n’a pas de cols ni de pavés. Je ne voulais pas d’une course un peu chiante qui ressemble à toutes les autres. L’idée m’est venue alors d’utiliser ces ribinous. Ils étaient là bien avant nous et et ils le seront encore. Au début, certains sont venus courir un peu dubitatifs mais à l’arrivée, ils ne pensaient qu’à une seule chose : y revenir. »
« Les ribinous du Tro Bro Léon sont notre marque de fabrique, nous étions différents dans le calendrier français par rapport à ça » Jean Paul Mellouet
Plusieurs champions y ont fait aussi leurs armes comme le dernier vainqueur de Paris Roubaix, Philippe Gilbert, qui y avait terminé 2ème en 2002, ou alors Fabian Cancellara finissant dernier en 2001. Nombre d’entre eux l’ont tant aimé et continue à le faire comme Scott Sunderland, le boss des Flanders Classics (Tour des Flandres, Gand Wevelgem, Het Nieuwsblad, Flèche Brabançonne, A Travers les Flandres), qui s’était confié à Be Celt (lien ci dessous).
Scott Sunderland (Flanders Classics); « Chaque coureur doit courir, au moins une fois, le Tro Bro Léon dans sa carrière »
Putain! Ce qu’ils l’aiment cet Enfer de l’Ouest! Pour un guerrier de Bretagne, il y a Paris Roubaix et le Tro Bro Léon (ou peut être l’inverse)… Et justement, le dernier vainqueur Celtique se nomme Frederic Guesdon (pas n’importe quel bonhomme non plus). C’était en 2007, 10 ans après son Paris Roubaix dont il est, aussi, le dernier vainqueur tricolore. S’imposer sur le « Tro » n’est pas donné à tous. Il te faut lui montrer du panache, de la hargne, lui prouver d’être capable de réaliser un rêve complètement fou à la mesure d’une volonté en granit et surtout beaucoup de chance.
Ce beau dimanche du 15 avril 2012, le Tro nous offre l’une de ses plus belles tragédies
Et cette chance justement, elle a manqué à un gosse du pays en 2012. Eric Berthou, (à peine plus âgé que le Tro) avait fait vibré tout un peuple en ce beau dimanche du 15 avril 2012. Echappé dans le final, à plus de 40 km de l’arrivée, le voilà qui rentre dans Lannilis avec plus d’une minute d’avance sur un peloton amaigri par les ribinous, les crevaisons, les chutes, le Tro choisi ceux toujours ceux qui restent debout. L’écart augmente encore et encore, faisant vibrer une foule attendant son héros, il va le gagner, il va lever les bras… Mais la sorcière verte en décida autrement… Une fringale terrible cloua le « Léonard » sur les derniers km. Il termina 12ème en luttant surtout contre lui même, s’écroulant d’épuisement une fois l’arrivée franchie, les larmes de boues coulant sur ses joues.On se souvient de Raymond (son père, ancien champion) sur cette même ligne, réconfortant le fiston en le prenant dans ses bras;
« Tu n’as pas gagné le Tro, mais aujourd’hui tu as gagné le coeur de notre peuple, c’est encore plus beau! »
Eric Berthou;
« Je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais préparé le « Tro » depuis des mois. Je n’avais rien laissé au hasard, je les connaissais par coeur tout les ribinous. Je savais quand et où j’allais attaquer. Quand je suis rentré dans le final, il y avait encore 5 tours à faire. L’écart augmentait à chaque coup de pédale. Je me souviens de ce public m’encourageant à chaque passage, en tapant comme des dératés sur les pancartes publicitaires. On se serait cru dans un stade de fou, c’était dingue. »
Mais au final?
« Oui (rires)… Au final, je ne l’ai pas gagné. Une putain de fringale m’a cloué sur la croix du calvaire. Je n’avais pu de ravito, impossible de lutter, j’étais vidé, tremblant de partout.. C’était l’Enfer mais je voulais la finir, je voulais vraiment franchir cette ligne d’arrivée, surtout devant les miens.
C’était un peu fou mais c’est sûrement le plus beau de ma carrière pro même si ce n’était pas une victoire. Le lendemain, en lisant, la presse, j’ai constaté que l’on parlait plus de ma défaite que de la victoire du Canadien Ryan Roth… C’était incroyable. »
Le Tro, 12 ans qu’un Breton ne l’a pas gagné.
« Le Tro choisi son vainqueur, celui qui va le dompter. Fred Guesdon, c’est pas n’importe qui, c’est le dernier vainqueur Français de Paris Roubaix. Celui qui gagne le Tro est un vrai costaud, un sacré moteur. Regarde les derniers par exemple avec Damien Gaudin, Adrien Petit ou Christophe Laporte. Les mecs se sont arrachés pour l’accrocher à leurs palmarès..
Maintenant oui, c’est vrai que cela fait plus d’une décennie que l’un des nôtres ne la pas remporté. « Pipich » (Laurent Pichon) a bien failli mais le scénario final s’est déroulé en sa défaveur.. Mais il est capable d’y être ce dimanche, il l’aime vraiment cette course. »
Pourquoi le Tro plait il autant ?
« Car il est unique en son genre. C’était la 1ère course à prendre des chemins de pierre et de boues que l’on nomme Ribinous. Ils ont fait sa légende. Depuis, il fait parti de notre patrimoine finistérien. Il coule dans nos veines, à nous tous les gars du Léon, elle nous ressemble. Un enfer oui mais dans un écrin magnifique qu’est le pays du Léon et ses côtes incroyables. Il est plus vieux que les gars du peloton, on l’a toujours connu à nos côtés depuis tout gosse ». Le Tro Bro Léon fait parti de notre ADN, de notre histoire!
La Strade Bianche est la plus proche des cousines du Tro. Pourquoi le Tro n’attire t-il pas plus de team World Tours?
« Déjà, c’est une classe 1 tandis que Strade Bianche est HC, les poins UCI sont sur ces courses là. C’est aussi une question de finance, le nerf de la guerre, et donc du coup de communication plus large par les médias. A l’avenir, nous voulons être plus international et nous avons déjà quelque idées, on en parlera en temps voulu. Mais pour l’instant place à la 36ème édition qui va nous offrir un spectacle d' »Enfer ». »