Ce dimanche après-midi, Alain Julien et les gars de l’AC Gouesnou nous ont préparé un de ces « Fecking mud trip » ou « cyclo-cross » sur le circuit de Penguerec. Certes, ce n’est peut être pas une manche de la coupe du monde de la spécialité qui aura lieu aussi cet après midi à Hoogereide aux Pays Bas, mais il a le mérite de se tenir debout, malgré tout, face à cette rude concurrence, là-bas en cette commune de Gouesnou (6000 âmes) dans le Finistère. Comble de malchance pour les bénévoles qui se décarcassent pour faire battre le coeur de ce cross, la date a été reportée en ce jour du 27 janvier car ils ne pouvaient l’organiser en même temps que celui de la Mézière qui avait lieu le 6 janvier dernier, par manque de coureurs pros. Et oui! Nos instances, si clairvoyantes quant à l’avenir de notre cyclisme, empêchent tout coureur pro de se présenter à un cross si un autre plus important a lieu le même jour dans la même région. Allez comprendre! Enième problème en cette fin du mois de janvier, tous les pros se sont tirés avec leurs équipes respectives aux 4 coins du globe pour la saison route qui débute… Mais Alain Julien a quand même tenu à rester debout malgré ces nombreux coups dans la gueule. Il reste droit dans ses bottes, pour lui, pour ces bénévoles, pour cette commune et ceux qui se défoncent comme des damnés pour garder cet équilibre. Gouesnou aura, de toute façon, sa revanche au mois de décembre prochain avec l’organisation du championnat de Bretagne dont le tenant du titre Tony Périou sera, lui, bien présent cet après midi!
Alain Julien; « Oui, nous sommes debout malgré les coups du sort. Nous n’avions pas le choix que de l’organiser ce 27 janvier. Plusieurs bénévoles m’ont demandé si cela valait le coup de le faire, de se décarcasser à installer toute cette logistique pour un cross où il n’y aura pas de pros et un peloton amoindri. Oui, ça vaut le coup pour de multiples raisons, oui il fallait le faire! »
Lesquelles?
Pour plusieurs mais surtout la plus importante: pour les jeunes, pour leurs espoirs. Mince! Comme les pros ne viennent pas, on devrait donc les planter là tous ces gamins? Tuer cet espoir déjà si mince d’un avenir dans le cross? Non, on se devait de l’organiser même si le peloton est petit. Les mecs qui y seront représentent vraiment notre état d’esprit comme Tony Périou le champion de Bretagne. Il porte bien plus qu’un maillot de champion, il porte aussi nos valeurs et espoirs dont il fut notre champion de France à Lanarvily.
Habituellement, vous étiez programmé au début du mois de janvier. Pourquoi ce changement de date?
Pour le cyclo-cross de la Mézière. Un beau cyclo-cross organisé par Nicolas Lebreton. Il a fait un beau travail mais ce n’est pas de sa faute, non pas du tout, loin de là. Mais il y a un règlement un peu étrange qui nous interdit de prendre des coureurs pros, ces champions qui émerveillent les jeunes, si un autre cross plus important est organisé dans la région. Du coup, nous n’avions aucun pros au départ. Et personne non plus du coup dans le public car tout le monde était à La Mézière, pour voir tous ces pros. Mais si les instances nous autorisaient à prendre quelques pros malgré un autre cross dans la région, on l’aurait fait. Il y aurait eu du public sur les 2 cross et tout le monde était gagnant, surtout nos jeunes.
Mais là, en ce 27 janvier, il n’y a plus de pros non plus.
Oui je pensais que certains seraient venus au final et ça me désole ce peu d’intérêt de leurs parts pour cet art qu’est le cyclo-cross. Je me souviens pourtant des frères Marc et Yvon Madiot qui étaient de grands crossmen! Des champions de France même! Mais bon, ils ont peut être oublié cette époque.
Je me souviens quand j’étais gosse de venir admirer les champions sur route lors des cyclo-cross hivernaux. Ca nous faisait rêver et on voulait tous faire du vélo ensuite! Je me souviens aussi des pros actuels qui y venaient admirer leurs idoles régionales quand ils étaient eux aussi ces gosses. Mais bon, ils sont passés pros et ont peut être un peu oublié ce pourquoi ils ont voulu devenir ces champions, en regardant aussi les crossmen de leurs jeunesses. Là, à l’heure actuelle, les gamins n’ont plus cette chance. Les pros ne viennent plus et leurs managers ne veulent plus non plus et pourtant…
Aidez nous, car demain il sera trop tard, pour nous, pour vous, pour tous…
J’ai vraiment envie de lancer un dernier SOS pour sauver ce qui reste encore. J’ai envie de dire aux pros de se souvenir de leurs jeunesses, de ce pourquoi ils aiment notre sport. Nous les bénévoles avons besoin de votre aide car nous sommes en train de mourir. Rappelez vous de nous, les bénévoles! Sans nous, il n’y aurait plus de courses, plus de clubs, plus de champions. Hé les pros! Souvenez vous de nous les bénévoles, de nos courses qui crèvent. Aidez nous, car demain il sera trop tard, pour nous, pour vous, pour tous…
Ce SOS, vous l’adressez aussi aux instances?
Oui, à tous. Le cross est un pan de notre cyclisme. Il fait parti de notre ADN, de nos origines. Regardez van Der Poel, van Aert, Stybar ou Alaphilippe… Ils viennent du cyclo-cross et ils sont des grands champions qui font le show. C’est ça le cyclo-cross, un show permanent! Ils ont gardé l’esprit un peu fou de cette école! Et en plus, ils ont cette caisse, cette explosivité qui vient aussi de cet art. On ne doit pas l’oublier. J’aimerais que l’UCI et la fédé imposent aux équipes de faire rouler un ou 2 gars par teams sur au moins 4 cyclo-cross par an. Ca nous ferait un beau peloton et ça permettrait à des gosses qui veulent venir au cyclisme de rêver, de vouloir leurs ressembler! Le public, les sponsors, la jeunesse, tout le monde viendrait et cela pour le plus grand bien de l’avenir de notre cyclisme. Mais bon….
Le loup s’approche. Après Plougasnou, c’est Gouesnou qui éprouve des difficultés à maintenir son chaptel de crossmen
L’équipement du cross de Gouesnou, c’est celui du défunt cross de Plougasnou, n’est ce pas?
Exact, nous l’avons racheté après sa disparition. Ca fait peur non? Le loup est il arrivé dans la bergerie? Le loup s’approche tout doucement mais sûrement. Après Plougasnou, c’est Gouesnou (ça rime nous dit il tristement) qui éprouve des difficultés à maintenir son chaptel de crossmen au départ de son cyclo-cross. Oui, le loup est déjà peut être dans la bergerie et cela me fait très peur… Nous avons pourtant une mairie qui s’investit à fond auprès de nous, qui nous protège, qui nous permet de voir les choses en grand mais sans les pros, le sort me parait déjà jeté.
A Gouesnou, le maire Stéphane Roudaut est un fervent défenseur des valeurs du sport. Après avoir accueillit le Tour de France comme ville départ en 2018, la ville (avec l’aide de l’AC Gouesnou) va organiser le championnat de Bretagne en décembre 2019
Stéphane Roudaut; « J’ai découvert le cyclo-cross avec Alain Julien et l’AC Gouesnou. Je ne connaissais pas vraiment cet discipline du cyclisme. J’ai aimé de suite pour vous dire. Les gars sont des véritables équilibristes et de sacrés coureurs, je suis vraiment admiratif de ces champions. Et de plus, le cross de Penguerec me fait penser à un vélodrome. De n’importe quel endroit où vous vous situez dans cette vallée, vous pouvez suivre entièrement le déroulement de la course comme sur un vélodrome, mais cette fois-ci dans un milieu complètement naturel.
Le sport, comme le cyclisme et le cross, est un équilibre essentiel pour notre commune
De plus, les courses comme celles sur routes ou les cyclo-cross, sont aussi des grands moments de rassemblement pour la commune. Un moment partagé entre les familles, les amis, les passionnés. Je me souviens, quand j’étais enfant, d’arpenter les routes pour applaudir les champions. Nous avons tous ces même souvenirs et je suis heureux de pouvoir les perpétuer avec l’AC Gouesnou au sein de notre commune comme nous l’avons fait pour le départ de l’étape du Tour de France en 2018.
Le sport, comme le cyclisme et le cross, est un équilibre essentiel pour notre commune de 6000 habitants. J’aime cette notion d’équilibre, comme celui ces crossmen qui dévalent la vallée. Nous avons besoin de ça, aussi, pour consolider nos liens et faire rêver, donner cet espoir à notre jeunesse.
Photo en tête Tony Périou le champion de Bretagne. Photo Cassandra Donne Photographies