A 31 ans, l’un des piliers du cyclisme Breton a décidé de tirer sa révérence du peloton amateur. Erwan Brenterch met un terme à sa carrière de coursier après plus de 10 ans en élite et plus d’une centaine de victoires à son actif. Une centaine? Non, le compte n’y est pas, il est bien plus élevé encore!
Pourquoi lui écrire cette bafouille? Il y en a tant d’autres qui le font chaque année. Mais voilà, on aime la passion et cette putain d’aventure humaine. Ce que l’on aimait justement, au sein de la rédaction Be Celt, c’est que le « père » Brenterch ne laissait personne indifférent ni quiconque croisant sa route. En tant que coureur, on l’aimait ou pas. Ca passait ou ça cassait, il ne pouvait y avoir d’indifférence. Il pouvait être ce tonton flingueur avec le verbe haut à faire péter les plombs à nombre d’entre nous comme il pouvait être ce frangin protecteur quand l’un des siens traversait une putain de période de doute. Pour notre part, on t’a connu au sein du team de ces rebelles d’Hennebont Cyclisme, de cette équipe flanquée du symbole des forges d’Hennebont, à la mémoire de ces ouvriers à la gueule burinée qui avaient fait trembler le gouvernement à une époque. Ce n’était pas donc peut être pas un hasard ton choix pour ces couleurs aux côtés de Cedric Le Ny faut croire ! Le comité de Bretagne s’en rappelle encore sûrement…Tu n’étais pas le genre de coureur à tortiller du cul pour c… droit. Tout est cash et tout vient des tripes chez toi. Tu étais ce guerrier, le couteau entre les dents, ne lâchant pas un centimètre sur ces routes mais tu es et seras toujours aussi cette grande gueule qui parle avec son coeur et qui ne cache rien, surtout pas ces coups de gueules justement! Ce qui te valu sûrement ta place au sein d’une équipe pro. Chez toi, Erwan Brenterch, on sentait la passion du bike, de la vie, des gens et surtout de l’aventure humaine. Mais voilà, chez Be Celt, on ne pensait pas que souffrir ça pouvait t’arriver et ces derniers temps, on n’avait pas vu que t’avais mal au bide. Et pourtant, t’en avais pris déjà des coups durant toutes ces années, sûrement à cause de ton grand coeur d’artichaut et ta grande gueule de grand con!
Tu nous venais du monde de la mer, tu en avais même été l’un des champions de cette voile avant de poser ton cul sur un vélo. Breton et navigateur, ça n’a jamais été le bon cocktail pour se la jouer « faux cul » dans un monde si bien policé. Et comme tout bon marin breton, tu l’as foutu ton boxon aux 4 coins de l’hexagone. Jamais les organisateurs n’oublieront ton prénom, ni tes adversaires par ailleurs! Mais voilà cette année le vent a tourné et tu as préféré t’en « allerais » comme dirait l’autre. Tu nous quittes pour profiter de la vie de cette unique cartouche qu’elle te donne, pour écrire d’autres chapitres et surtout pour éviter que le cyclisme ne soit que le seul de cette chienne de vie…. Kenavo et fais y gafffe aux vents contraires, fais confiance à ton étoile pour garder le cap ! Bouffe la vie comme elle vient, encore et encore, car de toute façon le vent l’emportera, et comme dirait le grand Iggy Pop » I am the passenger and i ride and i ride »…Kenavo « Pen Carn » (Tête dure par chez nous, au bout du monde) !
Erwan, hier soir tu nous a balançé un message d’au revoir sur FB. un coup de blues?
Erwan Brenterch: « Non, c’était bien réfléchi. Je voulais vraiment appuyer sur la touche « enter » de mon clavier. J’avais pris cette décision depuis longtemps déjà. J’ai roulé durant 10 ans au plus haut niveau amateur, j’ai gagné, j’ai ri, j’ai été heureux, j’ai perdu, j’ai pleuré, j’ai souffert. J’ai fait le tour de la question. Voilà, rien de plus simple en fin de compte. »
Pourtant tu gagnais encore cette saison?
Erwan Brenterch: « Oui et alors? Quand je roule, je le fais avec passion, j’étais en élites et ce n’est pas mon genre de courir juste pour participer. A ce niveau, tu roules pour la gagne, pour le team et les sponsors qui te font confiance. C’est une question de respect surtout envers ceux qui te donnent cette chance. Mais au fond de ma tête, j’y pensais déjà. Ce qui ne m’a pas empêché de gagner et de me glisser dans les échappées pour la gagne. Tu roules pour un team, un staff, des sponsors, des convictions et surtout pour ceux qui nous soutiennent. Si tu n’as pas ces valeurs en haut niveau, tu vas en en cyclo-sport alors. »
Le tour de Nouvelle Calédonie et le départ tragique de Mathieu Riebel a t-il joué un rôle dans ta décision?
Erwan Brenterch: » J’avais pris ma décision déjà bien avant le tour de Nouvelle Calédonie. Mais c’est vrai que la mort de Mathieu sous mes yeux m’a fait énormément réfléchir. Je revois les images sans cesse. Merde, on était tous venu pour s’éclater, se faire un putain de trip sous le soleil. Et le sort en a décidé autrement. Ca aurait pu être moi mais malheureusement c’est arrivé à Mathieu. Il avait 20 ans et toute la vie devant lui. Je téléphone à sa mère régulièrement, on se parle beaucoup. Tu réalises alors que la vie peut s’arrêter à tout moment, comme ça sans prévenir. J’ai réalisé alors que je veux la vivre encore plus. Ok, le cyclisme est un chapitre de ma vie, mais je ne voulais pas qu’il en soit le seul. J’ai 31 ans et j’ai envie de découvrir tant d’autres choses. Je n’ai pas envie de cette routine qui viendra en tant que coureur cycliste toute ma vie en fin de compte. J’ai envie de la bouffer cette vie désormais. »
Le monde pro, tu n’y as jamais goûté. Tu pense que ta franchise t’a coûté ta place?
Erwan Brenterch: » J’en sais rien. Peut être en fin de compte. Mais qui te dis que j’aurais été heureux dans le monde pro? J’en ai vu des mecs qui claquaient en amateur et qui n’ont jamais été heureux en pros. Peut être que j’aurais été malheureux dans ce monde là aussi? En amateur, j’étais vraiment heureux. Je gagnais et je bossais pour le team. On me payait aussi et cela me suffisait. Alors pourquoi aller dans un monde pro où l’on se doit de fermer sa gueule et subir parfois des ordres dont tu ne comprends pas la logique, qui vont contre ta vision de la justice et de l’équité? Non, j’étais bien en amateur en fin de compte. Je ne regrette rien et j’ai vécu tant de bons souvenirs. Je pars sans aucun regret. Nous ne sommes pas nombreux dans ce cas. »
Tes meilleurs souvenirs?
Erwan Brenterch: » On me parle souvent de la Mi Aout Bretonne avec Chris Froome. Mais en fin de compte, ce n’est pas celui là. C’est sûr que les podiums ou les victoires sont des bons souvenirs mais quand tu roules à ce niveau tu es là pour ça en fin de compte. Mes meilleurs souvenirs sont plutôt quand j’en chiais grave pour revenir sur la tête, la souffrance en guise de victoires. Puis aussi toutes ces rencontres avec tous ces gens exceptionnels. Mes meilleurs souvenirs sont le partage avec tous ces gars dans les équipes différentes comme celle d’Hennebont Cyclisme. Là bas, c’était du cash, on se prenait dans les bras comme on pouvait se pourrir, on s’aimait vraiment, c’était la vie. Mais il y en a tant eu de ces moments dans tous les clubs que j’ai fait comme Rouen, Aix en Provence et dernièrement Laval. J’allais où mon coeur se sentait le mieux. Je n’ai jamais signer pour le fric mais pour l’esprit et je ne garde que le meilleur de l’aventure. »
Que vas tu faire maintenant? Encadrer les jeunes?
Erwan Brenterch: » Ecrire d’autres chapitres de ma vie. Le vélo, peut être un jour pour l’encadrement mais pour l’instant, j’ai envie de découvrir d’autres horizons et d’autres aventures. La vie est tellement belle et si chère que je veux en profiter à chaque instant. Avant, par exemple, je ne pensais pas avoir besoin de mes amis tant que ça. Je savais qu’ils étaient là mais je pensais cyclisme et je ne trouvais pas l’utilité de les voir souvent. Désormais, j’ai envie qu’ils me parlent d’eux, que l’on partage pleins de moments, que l’on profite d’être tous ensemble. Je veux vivre un livre de plusieurs chapitres avec toutes les émotions et pas seulement un seul avec comme seul titre: « ma vie de coursier ». La vie est belle et pleine de surprises. »