37 ans au compteur et déjà 15 printemps que Manuel Quinziato (BMC Racing) traîne sa grande carcasse d’1m85 dans ce monde professionnel. Fidèle équipier de Richie Porte, l’Italien qui possède un titre de champion d’Italie du contre-la-montre et affiche neuf tours de France et quatre Giro sans jamais n’avoir posé pied à terre, a bien voulu répondre à nos questions légèrement décalées et rock’nd bike! Manuel Quinziato est l’un des ovnis de ce peloton mondial. La vie, il la bouffe à pleine dents, il l’aime et il en exploite les moindres recoins. Parfois au-delà des limites physiques et spirituelles. Lui, comme Daniel Oss, Peter Sagan ou encore Bradley Wiggins, font partie de ce que l’on appelle ces artistes sportifs « Rock’nd Bike » ! Ils ont ce truc en eux un peu barge, légèrement cinglé et non-conventionnel, mais pourtant si vital à l’avenir de notre sport. De ce monde pourtant anesthésié dans son petit confort des années 80, ils ont osé bousculer l’ordre bien établi de cet « establishement » un peu poussiéreux. Ils sont à l’origine de ce mouvement, de cette autre culture cycliste naissante, suivie par la jeunesse de toute une planète. Un léger vent de rébellion se lève, de celui qui donne une autre image de ces champions aux visages fermés derrière leurs lunettes noires et pour certains hélas, dignes d’un melon à la Céline Dion. Non, eux ne jouent pas les divas. Ils ont compris que ce sport hors-norme peut jouer un nouveau rôle. Car il est bien plus qu’un sport, il est devenu un état d’esprit et un style de vie pour beaucoup. Le Bike sort de sa torpeur jusqu’alors bloqué dans les années 80 et ces putains de souvenirs Vintage. « Bike is rock, Rock is bike » comme nous le confiait Marcus Bonfanti des Ten Years After (interview de Marcus Bonfanti) ! « Bike is not dead » pourrait-on rajouter.
Alors que le peloton semble s’enfoncer inexorablement dans un état de léthargie digne de « Race of Rats to die » cette song de Placebo, certains veulent changer la donne. Sagan nous donne un avant-goût de cette solution, de cette nouvelle image. Par celle désirée et destinée à nos jeunes et par ricochet à nos sponsors. Celle de notre avenir. Alors que Karen Cheryl et Francis Lalanne se font entendre depuis des années sur le tour de France, un son venu de l’étranger commence à résonner (Damn it, ça vient toujours de là-bas ces révolutions !) « Where’s my mind » (Traduisez: Où est mon esprit?) comme le dirait les Pixies. Le son de cette nouvelle voix tente pourtant de se frayer un chemin parmi les méandres des discours ennuyeux et souvent largués de nos autorités. « Another brick in the Wall » des Pink Floyd, annonçait il y a longtemps qu’à force de brider et de vouloir tout contrôler, ça finit par exploser. Le rock est un message, une attitude et l’une des visions de notre nouveau bike.
Didier Wampas, avec Rimini, nous a bien tendu une perche. Mais personne n’a su la saisir. Marcus Bonfanti (Ten Years after), considéré comme l’un des futurs grands du blues, nous avouait son amour de notre sport, de notre style de vie. « Mais autant pisser dans un violon Marcus ! » En France, la chance aux chansons où Lalane nous balance toujours ce refrain des années 80. Les sponsors se tirent, les courses crèvent et l’avenir de notre Bike’spirit est en danger. Sir Wiggins se lance alors dans le bain, tente de secouer ce monde complètement anesthésié. Peter Sagan annonce qu’il faut changer les choses, que la révolution est en marche ! Et comme tout mouvement, la musique accompagne ce changement. Mais pour Daniel Oss ou Manuel Quinziato cela fait longtemps qu’elle est là, au fond de leurs tripes, et que le cyclisme est « So Fucking special » comme sur les notes de « Creep » de Radiohead. On se souvient des vidéos d’Orica avec « ACDC », de Wiggins à la gratte sur « NME »: le plus grand des mags rock! Oui, le cyclisme est pleine révolution, et il est attendu par nos jeunes, de ceux qui viendront un jour encourager et admirer ces champions sur les routes du tour. Comme ils le feront en allant s’éclater sur les concerts rocks à travers la planète, car il s’agit du même public. Celui venu tout droit du Rock’nd Bike et ils ont déjà leurs étoiles ! Un jour peut-être, comme dans les stades de foot des quatre coins du globe, on entendra le public gueuler en chœur une song comme « You re my Wonderwall » d’Oasis le long des routes de nos belles batailles.
Manuel Quinziato, vous dites que le cyclisme est votre job et le rock votre passion. Pourquoi n’avez-vous pas alors tenté de rejoindre un groupe au lieu de devenir cycliste professionnel ?
Manuel Quinziato: « Et bien, honnêtement, je ne sais pas (rires). J’ai toujours aimé profondément la musique depuis que j’ai neuf ans. Mais à l’époque, j’avais clairement dans l’esprit, l’idée de devenir un cycliste pro. Donc après l’école, j’ai mis le paquet et je me suis efforcé de prendre cette direction. »
« Lors de l’échauffement d’un contre la montre, j’ai besoin de la musique pour m’élever et booster mon mental. » M.Q
Pourquoi le rock est si important pour vous ? Il vous sert d’inspiration dans votre vie quotidienne ?
Manuel Quinziato: « J’adore la musique en général, non seulement le rock mais tout les styles musiques. La musique a un impact énorme sur ma vie effectivement. Elle peut m’élever quand j’ai besoin de booster mon moral ou alors cela peut me faire rendre vraiment mélancolique. C’est cette fascination du pouvoir que la musique a sur moi. Comme le dit Nietzsche: « sans musique, la vie serait une erreur ! »
Marcus Bonfanti (l’un des meilleurs guitaristes de blues au monde) est un fan de cyclisme. Il compare souvent les vies de coureurs et d’artistes, atteignant ce stade ultime par le mode de vie et l’esprit. Êtes-vous d’accord avec cette comparaison ?
Manuel Quinziato: « J’ai beaucoup d’amis musiciens. Certains jouent dans des groupes célèbres et quand je vais les voir, j’observe leur style de vie. Cela me rappelle effectivement beaucoup cette vie que nous avons quand nous sommes sur le Tour de France comme vivre dans un bus. On joue aussi notre morceau et on disparaît le lendemain pour une autre scène, et cela pendant des semaines. Une autre chose que nous avons en commun, c’est le style de vie. Nous faisons un travail vraiment spécial, un travail que nous aimons, qui nous donnent la possibilité de nous exprimer et de nous forcer à devenir meilleur. De passer au niveau suivant et plus élevé. »
Les musiciens aiment le vélo. Pensez-vous que le monde du cyclisme aime le rock et la musique ?
Manuel Quinziato: « Non, je n’en suis pas si sûr. J’ai mon petit groupe d’amis avec qui je peux parler de musique mais il n’y en a pas tant que ça. Il y a Guarnieri, Oss, Van Emden, Kroon et Phinney entre autres, car la plupart des gars sont « Pretty Mainstream », bien calés dans la masse et ils ne débordent pas. Mais bon, c’est un monde libre et chacun fait ce qui lui plait. »
« Je pense que Peter Sagan est la meilleure chose qui soit arrivé au cyclisme après Eddy Merckx. » M.Q
Le rock and roll et vélo sont souvent liés à Wiggins, Oss, Sagan, vous ou avec Orica et la vidéo AC / DC..Manuel Quinziato: » Oui, c’est vrai, c’est moderne et proche du public. Mais ce chemin est exceptionnel dans le monde du cyclisme. Un coureur comme Sagan justement, veut changer ce côté trop sérieux du vélo. »
Pensez-vous que c’est possible ? Notamment avec les concerts de rocks qui arrivent de plus en plus sur les grands événements comme sur Le Tour Down Under ou le Giro justement..
Manuel Quinziato: « Je pense que Peter Sagan est la meilleure chose qui soit arrivé au cyclisme après Eddy Merckx. Peter est plus grand que le cyclisme et il change un peu les choses établies dans ce monde. De plus, le vélo devient de plus en plus un mode de vie culturel. Il suffit de regarder le succès des fixies à travers le monde. Je pense que de plus en plus de gens vont utiliser le vélo l’année prochaine, et que beaucoup plus vont regarder nos courses justement. Tout le monde aime la musique, donc organiser des concerts de rock est une idée formidable. C’est une autre façon de changer la vision du cyclisme en beaucoup mieux, et de le rendre plus intéressant.
Lorsque vous courez, écoutez-vous des chansons spécifiques sur vos entraînements ou courses ?
Manuel Quinziato: « Pendant l’entraînement, je peux écouter différentes musiques. Très souvent, je prends le temps d’écouter de nouvelles musiques. En ce qui concerne les courses, pendant l’échauffement d’un contre la montre par exemple, j’ai besoin de ça pour m’élever et booster mon mental et mon humeur. Ensuite, j’ai besoin d’en écouter des plus relax pour me détendre. J’en ai toujours besoin de la musique. »
Votre souvenir le plus rock en tant que coureur ?
Manuel Quinziato: « Sur le Dauphiné 2015, la dernière étape. Tejay (Van Garderen) avait le maillot de leader. Je me suis crashé comme une merde au bout de 50 km. Mon dos était en sang et mon maillot détruit. J’avais une plaie de 3cm de long et d’1 cm de large à l’épaule. Mais je suis remonté sur mon vélo et j’ai rejoint le peloton pour emmener Tejay jusqu’à la dernière montée. Alors que j’en bavé, je me suis dit cette étrange phrase: « Elle te manquait cette merde un jour ! « (rires) !
Quelle est la meilleure chanson rock pour vous?
Manuel Quinziato: « C’est dur … Peut-être « You shook me all night long » d’AC/DC
Votre playlist actuelle?
Manuel Quinziato:
Better man (Pearl Jam)
New born (Muse)
Little sister (Queens of the Stone Age)
Like a stone (Audioslave)
The pretender (Foo Fighters)
Bulls on parade (Rage against the machine)
Fake plastic trees (Radiohead)
Myxomatosis (Radiohead)
Nancy boy (Placebo)
Hate to say I’ve told you so (The Hives)
Par Camille Le Saux et J.A.V.
Interview version en anglais/English Version
You say that cycling is your job but rock is your passion. Why did not you try to play music with a band instead of being a procyclist ?
Manuel Quinziato: « Well, honeslty I don’t know, I’ve always loved music deeply, but since I was 9 I had clear in my mind that I wanted to be a procyclist so after school I put all my effort in that direction.
Why is rock so important for you ? Does it serve you in your life ? (inspiration)
Manuel Quinziato: « I love music in general, not only rock. Music has an huge impact on my life, It can bring me up when I need to boost my morale or it can make me feel really melanconic. It’s fashinating the power that music has on me. As Nietzsche said « life without music would be a mistake ! »
Marcus Bonfanti (one of the best blues guitarists in the world) is a cycling fan. He compares the lives of riders and artists, who all reach the ultimate stage with a way of life, endurance (not physically) and mind. Do you agree with this comparison ?
Manuel Quinziato: « Well, I have a lot of musicians friends, they play in pretty famous bands and when I go to see them live they remind me a lot the life we have. Especially when we are at Tour de France, travelling in a motorhome, performing and being gone for weeks on end. Another thing we have in common is that for living we do a really special job, a job that we love and give us the possibility to express ourselves and force us to become a better person, to go to the next level. »
« I think that Peter Sagan is the best thing that happen to cycling after Eddy Merckx. » M.Q
Rockers love cycling. Do you think the world of cycling loves rock music?
Manuel Quinziato: « Not so sure about that, I have my Small group of collègues with who I can talk about music but there are not that many (Guarnieri, Oss, Van Emden, Kroon, Phinney…) cause most of the guys are pretty mainstream, it’s a free world.
« During a TT warm, I need music to bring up my mood. » M.Q
Rock and roll and bikes are often linked to Wiggins, Oss, Sagan, you or with Orica Green Edge (AC/DC video). It’s modern and close to the public but this way is relatively new in cycling. A rider like Sagan wants to change the too serious side of cycling. Do you think it’s possible ? There was a rock concert after the team presentation of the TDU, do you think it’s a good idea ?
Manuel Quinziato: »I think that Peter Sagan is the best thing that happen to cycling after Eddy Merckx. Peter is bigger than cycling and he is changing this world a bit. Then cycling is becoming more and more a cultural way of living, look at the sucess of fixie bikes. I think that more and more people will ride a bike in the next few years and more people will watch bike races. Everyone loves music, so rock concert are a great idea, another way to change cycling for the better way and make it more interesting.
When you ride, do you listen to specific songs before and during trainings or races ? If yes, which ones ?
Manuel Quinziato:« During training I can listen to different stuff, very often I take a chance to listen to new music. But foror races, before the start of during a TT warm up for sure I need something to bring up my mood. After the race I like to relax and listen to something quite. »
What is the best rock song for you ? –
Manuel Quinziato: » This is a hard one… »You shook me all night long » (AC/DC) »
Your ideal playlist ?( top 10)
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Better man (Pearl Jam)
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New born (Muse)
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Little sister (Queens of the Stone Age)
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Like a stone (Audioslave)
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The pretender (Foo Fighters)
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Bulls on parade (Rage against the machine)
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Fake plastic trees (Radiohead)
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Myxomatosis (Radiohead)
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Nancy boy (Placebo)
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Hate to say I’ve told you so (The Hives)
Your most rocky moment as a rider?
Manuel Quinziato; » Dauphine 2015, last stage, Tejay had the jersey, I’ve crashed really badly at 50km to go, my back is all cut up and my jersey is complitley destroyed. I have a hole 3cm long and 1 cm deep in my shoulder. I jumped back on my bike, came back in the peleton and lead Tejay till the bottom of the last climb. The wind on my wound was a strange and painful feeling but then I told to myself… « You’ll miss this shit one day ! »
By Par Camille Le Saux et J.A.V.