« Mais qui sont ces fou-furieux ? » Des Freeriders. Une trempe particulière de VTTistes, qui, tout en avalant les pentes vertigineuses et en survolant des « gaps » de plusieurs mètres, gardent un « smile » décontracté. Les adeptes de la discipline tournent à l’adrénaline, en constante recherche de sensations extrême et en quête d’endroits inexplorés. D’ailleurs, c’est bel et bien ce que signifie le mot anglais Freeride, « une chevauchée libre ». En d’autres termes, chacun est indépendant de sa propre conception qu’il fait de la discipline.
Yannick Legall a 33 ans, et fait parti des meilleurs freeriders français de son âge. Ses débuts sont laborieux, et ses premières tentatives de figures lui causeront une torsion testiculaire à l’âge de 9 ans. Mais la philosophie même du Freeride, et ce que les doyens en la matière inculquent aux plus jeunes, c’est le fameux: « Tu es tombé ? Alors relève-toi et recommence! » Dès son plus jeune âge, le gamin de Plougastel s’essaie aux descentes escarpées de son village natal. Mais il se lasse vite des sentiers battus. Munis de leurs pelles, Yannick et ses potes passent leurs journées à explorer les moindres recoins de la campagne bretonne, pour ainsi trouver un endroit exploitable et y construire une ligne. Leurs lignes. Yannick continue, s’inscrit sur des compétitions de DownHill (VTT de descente), mais là non-plus il n’y trouve pas son compte. Yannick rêve de cette liberté, cet affranchissement de toutes règles qui vous procure le sentiment d’être seul au monde. Rencontre avec un homme tombé amoureux de la petite reine, mais une petite reine équipée d’une 170 à 200 mm de débattement à l’avant.
Par Camille Le Saux
À quel âge êtes-vous monté sur un vélo ?
Y.L « Je devais avoir trois ou quatre ans. À cet époque-là, mon frère, qui a dix ans de plus que moi, et mon cousin me considérait un peu comme leur jouet. Ils m’ont collé sur une vieille bicyclette, m’ont poussé puis lâché. Je me souviens ils me disaient : un cascadeur ne pleure jamais . »
Les premiers endroits où vous avez roulé ?
« Je suis resté pendant des années tourner en rond à Plougastel avec une quinzaine de potes, puis je me suis axé vers les Alpes car c’est le top en France. À l’époque on passait notre vie sur le vélo. On en a cassé des roues en se jetant dans des endroits dingues avec nos vieux vélos. »
Le freeride à la différence du downhill, c’est le fait de ne suivre aucun traces précises ?
« Non, il ne faut pas se cacher que même quand on fait du Freeride, on ne se jette pas d’en haut d’une montagne sans repérage. Sinon il y a des endroits où on prendrait des chutes monumentales. Le freeride « pur » sans aller repérer, il n’y a que des gens sans cerveau qui font ça. »
Vous avez fait parti des premiers à lancer cette discipline en France ?
« Moi j’ai fait parti de la deuxième génération. Les véritables pionniers sont les mecs qui, au début des années 90, ont commencé à faire du slalom sur des pistes de ski. »
Une personne en particulier vous a inspiré ?
« Non car le Freeride était peu médiatisé à mes débuts. Aujourd’hui je n’ai pas d’idole définie, je ne suis pas dans cette optique de « fan », même si j’ai beaucoup de respect pour les riders. Beaucoup de personnes peuvent t’inspirer. Je vais te parler de Danny Macaskill qui touche un grand nombre de personnes car ses vidéos sont folles, et qu’il ne se positionne ni vraiment dans le trial, ni l’enduro, ni la downhill. En Downhill, la famille Atherton est aussi vecteur d’inspiration. Elle donne envie de rouler, car elle en fait beaucoup pour son sport. »
Le Freeride, ça vous est venu naturellement ?
« Ici en Bretagne, j’ai toujours roulé en dehors des sentiers battus. Cette volonté de créer ta ligne, t’écarter des chemins habituels. »
Vous avez monté votre entreprise de design dans le vélo, un moyen alternatif pour vivre de votre passion ?
« J’ai monter mon entreprise « Yann Design » il y a trois ans. Après une grosse chute, j’étais cloîtré chez moi, je m’ennuyais profondément. Je faisais déjà du graphisme sur mes vélos alors je me suis dit « pourquoi pas mettre ça au profit des autres ». Aujourd’hui je fais de la personnalisation, restauration, customisation en vinyle et peinture perso de cadre et casques»
En septembre, vous avez voyagé en Chine pour promouvoir le côté extrême du vélo ?
« Avec le Bomber Show, la team d’Aurélien Fontenoy (trial dirt et street enduro) nous sommes parti là-bas dans l’optique de montrer ce qu’on pouvait faire avec un vélo. Le gouvernement chinois nous a invité par le biais de Frédéric Moal, un Breton exilé en Chine qui a pour projet de construire un Bike Park (station réservé au VTT), pour faire des représentations. Trouver des endroits propices à la pratique du VTT de descente. En Chine, il y a tout à faire, ils en sont encore au stade de pionnier. On est allé là-bas pour mettre la première pierre à l’édifice et lancer la culture vélo. »
Quelle a été la réaction du peuple chinois ?
« Les chinois étaient émerveillés. La joie se lisait sur leurs visages. Des images qui resteront à jamais dans notre mémoire. Avec nos potes, on se prenait pour des sortes de Johnny Hallyday. Lors de nos représentations on remplissait des stades entiers. Dans la rue, on ne pouvait pas traverser sans qu’en cinq minutes, trente gamins nous suivaient pour qu’on signe des autographes et prendre des photos avec eux. Je me doutais qu’en tant qu’Européens on aurait été bien vu par la communauté chinoise. Mais de là à avoir un accueil aussi énorme, je n’y aurais jamais pensé. Le jour de notre arrivée, on a été réquisitionné dans un lycée pour tourner une émission télévisée. Nous sommes arrivé à travers une haie d’honneur de 750 mètres. Pour repartir de ce lycée, j’ai mis plus d’une demi-heure à traverser la foule et faire 500m. C’était juste hallucinant ! »
«Au moment où tu enfiles ton casque, il n’y a plus rien d’autre qui existe. »
Vous parlez de découverte pour eux..
« Ils ne sont même pas capable de descendre un trottoir à vélo. Un jour on s’est rendu à l’hôtel, j’étais à vélo et je m’amusais à sauter à droite à gauche. À côté d’un bâtiment je trouve un petit saut de quatre marches, je le saute tranquillement, le directeur de l’hôtel était scotché. Ils ont peur pour nous (rires). Tu as envie de faire un saut et ils t’arrêtent tous en disant : » Non ils ne faut pas y aller, c’est trop dangereux ! « . »
Un moment en particulier vous a marqué ?
« La première fois où je suis allé rouler en Chine, je suis monté et j’ai traversé plusieurs villages où à chaque passage, on se retournait et on voyait une cinquantaine de personnes nous suivre et nous regarder jusqu’à ce qu’on disparaisse. À notre passage, on ne savait pas si ils étaient heureux de nous voir où si on dérangeait. Au retour, j’ai fait le chemin inverse, et les gens accouraient vers nous, ils nous invitaient chez eux, nous conviaient à leurs repas. Nous étions leurs invités d’honneur. Des moments inoubliables. »
Un moment que vous souhaitez ne jamais revivre ?
« C’était le 12 aôut 2015 à 16h22. »
Si vous vous en souvenez autant, c’est que ça devait être vraiment marquant..
« Depuis ce jour là je suis handicapé de la main gauche. C’était lors du tournage d’un vidéo. On a filmé une section, où je m’amusais à rouler sur la roue avant. Et forcément j’ai dit la phrase interdite : « allez juste une dernière ! ». Dans une descente, je me suis rendu compte que les plaquettes de frein étaient mauvaises, ma roue s’est bloquée et je me suis fait éjecter dans un endroit critique. Résultat : fracture du radius et du cubitus au ras de l’articulation, cartilage broyé (artrodèse) puis pose de broches et je suis même passé par de l’algodystrophie (douleurs dans les articulations et ou les membres). Depuis je ne peux plus bouger ma main comme avant, c’est comme si j’avais une main de Playmobil. Je n’ai pas de mot pour décrire le calvaire que j’ai vécu. »
Qu’est ce que vous ressentez avant d’attaquer une descente ?
« Au moment où tu enfiles ton casque, il n’y a plus rien d’autre qui existe. Tu te retrouves seul face à la nature, un réel moment d’extase. »
Il vous arrive d’avoir peur ?
« Il faut avoir peur, car dans le cas contraire, tu es fou, et les fous on sait où ils finissent. La peur amène cette part de vigilance, de concentration et va te guider pour ne pas de faire de choses inconscientes. Sur certains endroits tu risques ta vie, il faut pas faire le con. Il faut savoir trouver les limites du dépassement de soi et savoir distinguer où est la connerie. Les personnes qui évoluent à haut-niveau, dans n’importe quel sport, s’écoutent et ne tiennent pas compte des paroles des autres. Le talent sans cerveau ça ne sert à rien. »
« Je n’ai pas de mots pour décrire le calvaire que j’ai vécu »
Un mot pour définir le Freeride ?
« L’hédonisme. C’est faire du plaisir un but dans sa vie. Le Freeride, c’est mon anti-dépresseur. Même au-delà de ça, dès que je vois un vélo, je suis heureux. Si je peux monter dessus, je vais rouler, faire des sauts. Le vélo c’est mon âme sœur. Cette passion pour le Freeride, c’est savoir se priver de beaucoup de choses pour deux roues et un cadre. C’est comme la passion de l’océan pour les surfeurs. J’ai des potes qui, à 40 ans, sont capables de se mettre en arrêt parce que tu as de bonnes conditions. »
Un rêve ou un moment que vous auriez envie de vivre ?
« Le but du Freeride, c’est justement le fait que tu as toujours un rêve en tête. Le rêve de trouver un nouvel endroit, de vivre une journée meilleure que la précédente, où tu rouleras mieux, où le temps rendra le terrain magique. C’est ce qui nous motive à enfourcher notre vélo tout les matins. Pour moi il n’y a pas de « meilleures conditions ». Le temps idyllique, le terrain sec, la poussière.. C’est peut-être mon côté breton qui me fait dire ça (rires), mais pour moi même un jour de tempête et de flotte peut-être un jour de dingue. C’est là que tu découvres une autre facette de ton sport, d’autres sensations. Le freeride c’est sans fin. »
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