60 ans au compteur de la route de sa vie dont 47 dans le cyclisme! Vincent Lavenu est encore loin d’en avoir fini avec ce monde, ce sport, cette « drôle » de vie à qui il a tant donné et pour qui il a tant souffert. Comme sur la « song » et les grands coups de riffs d’un Mark Knopfler jouant « Brother in arms », il en a eu des doutes et des « putains » de claques sur cette puissante mâchoire carrée, des coups il en a pris, rassurez vous! Mais il n’a jamais flanché. Chuté oui, plusieurs fois même, mais sans jamais lâché ce guidon, même un genou à terre, serré les dents pour se relever, ça oui, il l’a fait! Sa vie est une leçon de courage, de tenacité et d’optimisme. Avec lui, l’adage d’un empereur de ces « Bloody Frenchies » prend tout son sens, sa singulière saveur: « Impossible n’est pas Français! «
Son chemin, il le trouve à l’âge de 13 ans dans ses Hautes Alpes à Briançon, cette ville justement qui ne baissa jamais les bras face aux assauts des troupes Napoléoniennes, qui ne capitula jamais. L’homme est de cette trempe, comme ces pierres du pays qui bâtissent ces forteresses de Vauban, dures et imperméables au temps et aux assauts. Jeune amateur, il s’offre des victoires et de belles comme le circuit des Cévennes en 79. En 1983, à 27 ans, toujours à force de Ténacité il rentre dans le monde « pro », celui de ces forçats du bitume fait de sacrifices et de joies saupoudrées surtout de douleurs. Sa première aventure se nomme UC Pélussin avant de rejoindre le team UNCP aux côtés d’un autre guerrier nommé Marcel Tinazzi, l’un des fils du Vicomte Jean de Gribaldy, il devient même champion de France de l’Américaine avec Michael Charréard. A 30 ans, le guerrier peine à gagner sa vie de coursier, bouffe son pain noir avec ses frères d’armes, dans ce monde où seule l’équipe de « La Vie Claire » a le droit de lumière, mais il avance toujours tout en fermant sa gueule tel le légionnaire, envers et malgré tout, qui n’obéit qu’à cet ordre « Stand up and Fight! (lève toi et bats toi dans la langue de Molière).
En 1987, il intègre le Team RMO après une énième claque avec Miko. Pas mal de gars auraient déjà jeté le vélo dans le ravin, mais pas Vincent Lavenu qui se bat jusqu’au bout, prêt à tout donner comme dans le chaudron des 6 jours de Grenoble où il se fit remarquer par le team de Bernard Thévenet. Et en bon guerrier, Vincent Lavenu leurs renda les honneurs en remportant la première course de la saison avec la Rondes des Pyrénées Méditerranéennes! Semper Fidelis!
1988, Il fut le « Brother in arms » du vainqueur du mythique triplé Stephen Roche (1987: Tourde France, Giro, Mondial) chez Fagor. Une participation sur le tour de France aux côtés du Prince d’Irlande et une fantastique victoire d’étape plus tard au tour du Portugal après plus de 100km d’échappé. 2 ans se passent encore dans l’arène avant d’obtenir son « Rudius » (Glaive de liberté) définitivement en 1991.
Mais comme on vous l’a dit, Vincent Lavenu n’abandonne jamais et continue son chemin sans jamais ne rien demander à quiconque. Sur celui de son pèlerinage de sa 2ème vie, celle de manager, il croise le Grand Monsieur Alain Chazal qui lui donne les moyens de créer une équipe à sa vision, une qui respire son cyclisme. Donnez justement un peu de moyen à ce genre de champion, et il vous en fait une épique cavalerie quelques années après avec l’aide de ses compagnons de route et parfois d’infortune, fidèle à ses amitiés comme à ces valeurs, question de respect! Une petite armée de guerriers à la sauce de David contre Goliath. Le chef de guerre connaît tous les champs de batailles, et de sa petite armée du début, il en fait une à l’égal des plus grandes actuelles, elle porte ce nom devenu célèbre au delà de nos frontières, 3 lettres et 1 chiffre qui marquent à jamais: AG2R, marche par marche, étape par étape, il conquis le monde que l’on nomme Worldtour et par la même occasion nos cœurs ! Ca tombe bien, le team se nomme aussi La Mondiale! Impossible n’est pas Français !
Vincent Lavenu, 43 ans dans le cyclisme, comment êtes vous tombé dans la marmite?
Vincent Lavenu: » J’ai débuté le vélo quand j’étais enfant comme tout le monde. J’avais pris ma première licence dans ma ville de Briançon et j’ai commencé à glaner quelques bouquets puis plus tard dans des courses nationales comme le circuit des Cévennes en 1979. En 1983, j’intègre l’UC Pélussin de Pierre Rivory, mon premier team pro. Mais l’aventure prend un mauvais départ puisque le budget est coupé à la mi saison pour des raisons politiques. Du coup, on roulait sans salaire, mais on était là quand même. Ensuite, je rejoins Marcel Tinazzi avec Patrice Thévenard et Dominique Sanders à l’UNCP. On roulait tout en pointant au chômage mais on avait pas mal de choses à prouver aux autres, on avait les crocs. Je remporte le titre de champion de France de l’Américaine avec Michael Charréard. Ce n’était pas la paye qui nous motivait à ce moment là, il n’y avait pas d’argent, on voulait se battre et on ne pouvait imaginer une vie sans cyclisme. Même si parfois c’était vraiment difficile, je prenais toujours du plaisir sur un vélo, c’était le plus important. 86, je rejoins Miko Carlos et là aussi ça se passe mal sur le plan sponsoring avant la fin de la saison. Mais RMO et Bernard Thévenet me remarque et je les rejoins en 87 , il y avait Michel Vermote et Thierry Claveyrolat entre autre. Là, je remporte la 1ère course de la saison avec la Ronde des Pyrénées, c’était vraiment génial de débuter comme ça, mais je me retrouve sans équipe de nouveau en fin de saison. J’apprends alors que Fagor se monte et je les rejoins aux côtés de Stephen Roche dans cette aventure. Je participe enfin à mon premier et unique Tour de France en 1989, j’avais 33 ans. La malchance continue puisque le team s’arrête en 1990 et je me retrouve de nouveau sans équipe. Je décide de rouler à titre individuel sans réelle équipe . Je réussit quand même à gagner seul une étape sur la route du Sud en 1990. Et à 35 ans, il faut être réaliste, je décide de raccrocher le vélo en tant que coureur. »
Justement, après tout çà, quels sont vos meilleurs souvenirs en tant que coureur?
V.L: » On dit généralement que ce sont les victoires comme celle du tour du Portugal après 100km d’échappé mais pour ma part, c’est le passage du tour de France à Briançon. Quand je passe chez moi en 1989, devant mon lycée où je rêvais des ces aventures tout gosse. Et quand tu vois tous les gens de la ville sur les pentes de la Chaussée qui sont venus pour t’encourager, en scandant ton nom, ça te laisse un souvenir indélébile, un véritable frisson!
Puis vous entamez une 2ème vie, vous devenez manager du team Chazal
V.L: « Oui, Chazal était déjà mon sponsor durant ma dernière année de coureur. Et cette année là justement , je rencontre donc Alain Chazal, ce grand monsieur qui a fait beaucoup et qui continue à le faire pour le cyclisme Français. En 1992, le team « Chazal Vanille et Mûre » arrive sur le circuit. Ce n’est pas une grosse écurie avec un budget fou (2millions de Francs de l’époque) et pourtant l’équipe arrive à se hisser dans les premières places de belles courses. En 1993, on participe à notre premier tour de France. Il y avait des gars comme Jaan Kirsipuu, Henri Abadie, Robert Forest, Franck Pineau, Patrice Esnault ou Laurent Biondi en 92 puis ensuite comme Eric Caritoux, Jean François Bernard, Bruno Cornillet et d’autres. En 1996, le team devient « Casino ». On voulait grandir, franchir un cap et devenir acteur des grands tours. Malheureusement, c’était un budget assez énorme et Mr Alain Chazal ne pouvait pas mettre autant d’argent sinon il l’aurait fait. Du coup, on est devenu le team » Petit Casino » puis Casino par la suite. Là, on devient l’une des meilleures équipes mondiales avec de belles victoires comme celle de Elli au midi Libre, Stéphane Barthe au championnat de France en 1997 et Christophe Agnolutto au Tour de Suisse, Jacky Durand sur Paris Tours en 98, Hamburger à la Flèche Wallone. Le champion Olympique Pascal Richard nous rejoint, un beau coureur, c’était un honneur de le voir dans nos rangs, bref on est là ! En 2000, le team devient AG2R La Prévoyance-Décathlon puis maintenant AG2R la Mondiale après avoir rejoint le world Tour en 2006, année où Cyrille Dessel et Christophe Moreau terminent respectivement 6ème et 7ème du tour de France (Sylvain Calzatti a gagné une étape cette année-là) puis Moreau devient champion de France en 2007 à nos côtés. Depuis, on a gagné d’autres belles victoires sur les grands tours, des podiums et de belles classiques et l’aventure n’est pas prête de s’arrêter !. »
Vos coureurs comme Péraud, Bardet ou Vuillermoz sont à votre vision du cyclisme, attaquants et combatifs, c’est votre leitmotiv?
V.L: « Oui, des gars comme eux, Alexis Gougeard, Cyril Gautier, jean Christophe Péraud et tout les autres sont à cette image. Jean Christophe a terminé 2ème du Tour de France 2014, il a vraiment cette trempe de combattant, l’année dernière quand il chute lourdement et se met quand même un point d’honneur à remonter sur la machine pour de ne pas lâcher ses coéquipiers, il m’ a impressionné. Il a eu un courage extraordinaire j’ai beaucoup de respect pour ce qu’il a fait sur ce Tour 2015. Ensuite, cette 8ème étape remporté par Alexis Vuillermoz l’année derniere où il attaque sur le final du mur de Bretagne, cela a été magnifique, il a donné tout ce qu’il avait dans le ventre pour aller la chercher. Ce fût un moment tellement intense! Tout celle de Romain BARDET en solitaire sur la 18ème étape à Saint jean de Maurienne (Sur nos terres Savoyardes). Romain est issu par ailleurs de notre centre de formation Chambéry FC, qui sont avec nous depuis plus de 15 ans. »
Chambéry CF justement, l’anti chambre d’AG2R La Mondiale?
V.L: « »Oui, avec Loïc VARNET et son équipe dirigeante, nous avons voulu que le Team Chambéry CF devienne un véritable centre formation, afin d’accompagner nos jeunes dans les meilleurs conditions, cela fait 15 ans que ça dure. Nombre de coureurs d’AG2R viennent de là, ils y apprennent le job dans les meilleurs conditions avec un très bon encadrement, ce team est très important à mes yeux, il s’agit là de notre futur. De plus, les apprentis champions suivent une vraie scolarité, ce qui est essentiel à mes yeux car le métier de coureur est assez aléatoire. De nos jours, il me parait essentiel qu’un jeune puisse s’engager une carrière de cycliste professionnel en ayant préparé son avenir sociaux-professionnels. Je tiens beaucoup à ce centre. »
Justement, un Breton a rejoint ses rangs en la personne de Léo Danés
V.L: « Oui, c’est vrai. Je l’avais déjà repéré dans son équipe Finistérienne du VC Plabennec (le même qu’Olivier Le Gac), je l’ai bien observé lors des championnats du Monde junior en 2014 et j’ai demandé à Loïc VARNET le Directeur du Centre de formation de le contacter. A sa sortie des juniors, il avait déjà promis sa présence à un team DN1. Un an plus tard, il est chez nous et j’en suis ravi. Il a un gros potentiel qui se doit d’être optimiser dans les meilleures conditions. Il y a plein de jeunes coureurs prometteurs dans le team Chambéry CF. »
Est ce difficile de lutter contre des teams comme SKY, Astana ou Tinkoff sur le Tour de France pour un Team Français?
V.L: » Gagner un Tour de France face à leur puissance collective me parait compliqué mais rien n’est impossible. Faire un podium, nous l’avons déjà fait puisque Péraud a terminé sur la 2ème marche à Paris en 2014. AG2R LA MONDIALE est une équipe en devenir qui nous laisse espérer le meilleur pour demain !!! Je n’ai aucune jalousie vis-à-vis des grosses armadas, bien au contraire. Ces grandes équipes ont permis d’apporter une image moderne et une dimension mondiale du cyclisme, un nouveau souffle. Mieux vaut apprendre de leur professionnalisme, rien ne sert de les critiquer. SKY à mes yeux à beaucoup apporter au cyclisme, ils ont poussé les autres équipes à mieux se structurer à devenir plus performantes. SKY a réussi à convaincre des partenaires prestigieux de les suivre dans l’aventure du Cyclisme, c’est un plus pour notre sport. Leur réussite me laisse à penser que c’est un exemple à suivre…. »
Vous êtes très ouvert sur le cyclisme internationale, est ce pour cela qu’AG2R est très appréciée des étrangers?
V.L: « Effectivement, je crois que nous sommes appréciés en dehors de nos frontières. Le fait que l’on aille disputer beaucoup de courses en Angleterre, Australie, Québec, Oman, Italie en Espagne ou ailleurs dans le Monde depuis de nombreuses années doit certainement jouer pour cette réputation. Sur les courses étrangères, nous nous battons comme si nous étions sur nos terres. Nous sommes une équipe WorldTour, le cyclisme a une dimension mondiale et nous devons nous adapter donc être performant sur le circuit mondial. Le Tour de France reste la course N°1 au monde ainsi que l’objectif N° 1 pour toutes les équipes mais il y a tant de belles courses à travers le monde aujourd’hui !!! Nous sommes fiers que notre équipe Française soit appréciée dans le Monde, nous espérons être à la hauteur pour 2016! «