Il vient du pays des Steppes, de ce pays dont le vent façonne la gueule de ces guerriers Kazakhs, de cette terre héritée des illustres ancêtres cavaliers venus des 4 coins de l’Asie centrale et dont le sang coule encore dans ses veines, Dmitriy Aleksandrovitch Fofonov que l’on prononce tout simplement en cyrillique « Дмитрий Александрович Фофонов » est natif de l’ancienne capitale Almaty (Alma Ata), cette terre où il fit connaissance avec le cyclisme pour la première fois et qu’il ne quittera plus jamais. Des années plus tard, il est avec le team Astana, nouvelle capitale du Pays de l’Asie centrale dont il est devenu le 2ème homme fort du team bleu « azure » sous la houlette de Alexandre Vinokourov son compatriote.
Un regard slave avec des yeux clairs qui vous transpercent et vous calculent de suite, Dmitriy Fofonov a tout donné pour le sport cycliste, il en a connu des moments de joie intense, de gloire mais des moments aussi difficiles qui vous arrachent l’espoir et dont certains ne se relèvent jamais mais pas Dmitriy Fofonov. Comme tout bon kazakh, il a traversé les 4 coins du globe sur sa monture tels ses ancêtres nomades, en Belgique tout d’abord avec l’équipe Collstrop, puis Besson, Cofidis et Crédit Agricole en France, pour enfin retourner au service d’Astana, la capitale de ce peuple guerrier. Victorieux sur des belles batailles comme celles sur le Critérium du Dauphiné, de Paris Corrèze, du général du Tour de Chine comme sur les routes du championnat du Kazakhstan et du championnat d’Asie, il en a aussi bouffé de la poussière en 2008. Puisque aucun Dieu du ciel ne s’intéressait alors à lui à cette époque, c’est son ami Alexandre Vinokourov le conquérant qui l’aida à se relever en rejoignant le Clan « Astana », de son armée Kazakh. Et il s’est relevé le guerrier et de ces terres des damné, à force de patience et d’abnégation, il a de nouveau levé les poings vers le ciel en 2009. Depuis, il enseigne l’art de ce sport, dirige les plus grands comme Nibali, Aru, Sanchez, Boom, De Vreese, Grivko et tant d’autres dans cette armée née du rêve d’Alexandre le Conquérant. Car Astana est bien plus qu’une simple équipe World Tour, elle est le symbole de cette nation, de ce rêve qui puise ses origines entre les rives de la mer Caspienne et de l’Altai.
Des bords de L’Oural aux lacs du pays de Clermont Ferrand où il a posé ses valises, il est devenu le manager sportif du team de ce pays dont la capitale se nomme »Astana » , lui et ses hommes vont au devant des batailles, poussés par ces vents, ceux soufflants du pays des Steppes !
Dmitriy Fofonov , vous en avez connu des équipes avant de rejoindre ASTANA?
Dmitriy Fofonov ; « Oui, c’est vrai mais comme tout mes compatriotes Kazakhs. On voyageait déjà beaucoup avec l’équipe nationale. Et on venait souvent en Belgique où j’ai fait la connaissance de personnes vraiment passionnés et qui m’ont fait confiance comme Hilaire Van der Schueren qui était chez Collstrop. Tout était fait pour nous intégrer au mieux et ils étaient aux petits soins pour nous. Il est chez Wanty Groupe Gobert désormais et je garde de très bon contact avec eux, ils m’ont beaucoup aidé et je conserve un excellent souvenir de la Belgique en général. Après je rejoins Besson chaussures avant d’intégrer Cofidis où mon ami et compatriote Andrei Kivilev y était avant de nous quitter, je pense souvent à lui. C’était de belles années chez Cofidis, avec un beau calendrier et beaucoup de choses à apprendre. Ma première équipe pro tour avec 30 coureurs déjà, on avait des grosses séances de stages et on bossait vraiment dur pour former l’âme d’un vrai team. J’étais un équipier mais ensuite j’ai gagné un peu plus de liberté au fur et à mesure du temps. Avec eux, j’ai remporté une étape au Tour de Catalogne et des belles places comme 2ème du général au Tour du Haut Var, 2ème du GP de Fourmies entre autre. Puis ensuite chez Roger Legeay chez Crédit Agricole et puis Astana avec mon ami Alexandre Vinokourov. »
Après toutes ces années en tant que coureurs, quel est votre meilleur souvenir ?
D.F: » Ouf! Il y en a plein de bons souvenirs. Les mauvais je ne les conserve dans cette boîte crânienne, le passé c’est le passé. Les victoires sont toutes de bons souvenirs, les gens que tu rencontres au fur et à mesure de ta carrière aussi. J’en ai peut être une qui me tient à coeur, ma victoire sur le tour du Loir et Cher en 2009, je la remporte en solitaire et je revenais de loin après cette période où rien ne m’a été épargné, elle a une saveur particulière celle là. Ensuite je remporte la championnat d’Asie qui fait parti bien sûr de tous ces bons souvenirs. »
Vous passez ensuite Directeur sportif chez Astana après y avoir été coureurD.F
: « Oui, Alexandre avait un rêve depuis le début, celui de monter une équipe pro Kazakh. Il a réussit à convaincre quelques hommes d’affaires de notre pays à reprendre le flambeau de la défunte Liberty Seguros sous le nom du consortium Astana, du nom de notre capitale avec l’aide de notre maire aussi qui était un amateur de cyclisme, il roulait souvent avec Alexandre. Puis on a recruté nos anciens entraîneurs Russes et pas mal de gens issus de ce cyclisme avec qui nous avions beaucoup travaillé quand on était jeune. Alexandre avait des idées, celles de promouvoir le cyclisme Kazakh. On est parti de rien, essuyé de nombreuses critiques mais nous sommes là maintenant. Je suis le manager sportif du team et je suis fier d’y être. »
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Justement le cyclisme Kazakh, de nombreux coureurs en sont issus
D.F: « Oui, depuis tout le temps nous fournissons de bons coureurs. Déjà à l’époque de l’ancienne URSS, sur 22 coureurs, on en trouvait une dizaine d’origine kazakhs. C’est un pays de cyclisme, avec nos profils variés sur les routes, nous fournissons autant de bons grimpeurs que de puncheurs et des sprinters. Désormais nous sommes indépendants et c’est pour cela que Astana a été créée, pour perpétuer cette tradition cycliste. Je peux vous dire qu’il y a une belle jeune génération qui arrive, d’un très bon niveau. Nous sommes et resterons une nation de cyclisme. »
Manager sportif, un autre aspect du cyclisme. Quelle différence avec le métier de coureur pro ?
D.F: » Quand tu es coureur, tu ne penses qu’à toi. Tout tourne autour de toi, tu ne vois pas ce que les gens font pour toi, pour te préparer à être au mieux le jour « j ». Quand tu diriges un team, tu dois penser à tout le monde sans exception avec ton propre savoir faire, j’ai été plus de 14 ans pros, cela me sert énormément. Tu dois penser « toujours devant » Tu connais les astuces pour encaisser les mauvaises périodes aussi et faire que les gars pensent de façon positive, de toujours les pousser vers l’avant. Pour ma part, le passé c’est le passé, seul m’importe le présent et l’avenir. Le passé on ne peut le changer, on vit avec alors soit tu l’encaisses et tu en tires les leçons soit tu t’écroules si tu y penses tout le temps. Seul m’importe le présent et l’avenir et je suis là pour que tout se passe au mieux pour nos gars. »
Justement, diriger des grands champions comme Nibali ou Aru, est -ce difficile ?
D.F: » Rien n’est facile, il faut juste savoir comment faire pour que le moteur tourne correctement. Pour leurs parts, ils connaissent tous leur travail parfaitement et savent ce qu’ils doivent faire. Mon rôle est de les gérer en certains moments pour que tout aille dans le même sens. On est tous différents chez Astana, il faut conjuguer avec ça et parfois c’est difficile de les faire changer d’avis quand ces derniers ont une idée précise en tête. On fait en sorte que tous trouvent leurs bonheurs ensemble, que l’on prenne tous la même direction sur le même bateau. Ils savent aussi que rouler sous les couleurs d’Astana n’est pas comme dans une autre équipe. Astana est un symbole, celui de la nation Kazakh. Ce pays multiculturel, construits de plusieurs peuples tout comme notre équipe. Quand ils roulent, ils le font aussi pour la nation de notre pays et ils le savent. On est tous comme ça dans le team, même si l’on vient de différents pays avec des mentalités différentes. Et ce sont de grands moments de bonheur quand tu les vois attaquer, faire la course en tête. cela veut dire que tu as réussit à ce que la sauce prenne! »
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Pas de Français chez Astana, pourquoi?
D.F: » Des Français? Si on en a. Nos ostéos sont Français, il y a Barnabé Moulin et Serge Paoletti même si ce dernier a des origines Italiennes (rires), ils sont ce savoir faire qui nous est précieux. Sérieusement, on a déjà eu un Français avec Rémy Di Grégorio mais après plus rien, c’est vrai. Je pense que c’est un problème de culture. Je m’explique; Vous avez de bons coureurs comme Warren Barguil ou Julian Alaphilippe mais dans des teams étrangers. Le cycliste Français a l’habitude d’être dans une cocon au sein des structures Françaises alors pourquoi le coureur voudrait venir dans une équipe où il sera encadré tout comme les autres? Il faut aussi qu’il parle une autre langue, qu’il s’intègre avec des coureurs issus de cultures que la sienne donc il préfère rester en France. Ensuite vos médias les encensent quand ils font des places, les mettent au plus haut souvent, ils ont leurs public en France. Mais ces même médias peuvent les oublier aussi rapidement par ailleurs j’ai remarqué. On pourrait recruter des Français mais il faut qu’ils le veuillent aussi, c’est un problème de culture je pense. »
Vous vivez en France près de Clermont Ferrand, pourquoi ce choix ?
D.F: » Ca fait longtemps que je vis en France, et j’adore cette région d’Auvergne. Mes enfants y sont scolarisés et nous sommes très bien intégrés avec ma femme. Il y a tout ici et je puise mes forces lors de mes moments de tranquillité dans cette région de volcans. Je me détache du cyclisme, je me ballade et je regarde aussi le ski que j’apprécie beaucoup. On a tous quelque chose de Clermont Ferrand en nous car vous même venez d’ici et vous vivez en Irlande non ? (rires)