Le team « Armée de Terre » est d’un autre esprit que la plupart des équipes pros, avec ce jersey si particulier qui représente bien plus qu’un simple maillot « Cam ». Car il fallait oser déjà la créer, apprendre à passer par les fenêtres quand certaines portes étaient bien closes et parfois risquer peut être sa carrière pour lui donner enfin naissance. Oui, il fallait en avoir des « Corones » tel un « Diable Rouge »! Il fallait oser pour gagner, mais l’Adjudant Lima Da Costa a peut être lu cet adage, cette devise d’un régiment tout aussi particulier lors de son stage « commando » au Centre National d’Entraînement Commando de Collioure avec sûrement au détour d’une piste noire sous la pluie et dans le froid, un « enfoiré de gradé » qui lui avait certainement seriné en gueulant durant toutes ces nuits blanches cette phrase: « Qui Ose Gagne ! ».
Et comme tout bon chef de section qu’il est devenu, il s’est choisi des hommes qui en avait dans les « tripes », prêt à en découdre face aux cadors pros du « civil ». Il a été les chercher drôlement loin ces « Têtes Brûlées » que sont Stéphane Poulhiès, Benoît Sinner, Julien Duval, Thomas Rostollan, Bruno Armirail, Bryan Alaphilippe, Yoann Barbas, Alexis Bodiot, Julien Duval, Thibaut Ferrasse, Yann Guyot, Kevin Le Breton, Romain Le Roux, Jordan Le Vasseur, Benjamin Thomas, Jérôme Mainard, Jimmy Raibaud, Kevin Sirreau et un tout jeune soldat Yannis Yssaad. Car tout ces gars ont bien plus conscience que quiconque que ce maillot qu’ils portent est bien plus qu’un simple « placard » à sponsors. Qu’il représente une armée, des hommes et femmes éparpillés aux 4 coins du globe dans les régions les plus austères de la planète pour défendre quelques démocraties. Il y a peu de temps, un revenant d’OPEX me disait encore, au détour d’une bonne pinte au mess: « Sérieux, elle est bonne cette idée de monter une équipe pro à nos couleurs, on s’est mis à la regarder du coup, on s’est même mis à l’encourager entre 2 patrouilles dans les talwegs,ça nous réchauffait un peu le coeur de voir l’un des nôtres devant au carton, on était avec lui du fin fond de notre trou, ils sont des frères d’armes, des « Brothers in arms » quelque part »! Car il leur en fallut du temps et de la patience pour se faire accepter par la « Grande Famille » mais elle est maintenant dans leurs coeurs et quelques posters sont déjà punaisés sur les murs de certaines « Popotes » de régiments.
Dans cette équipe protégée par des cadres comme l’Adjudant Chef Bengochea un ancien d’Afgha, le Chef Barre et le guerrier Jimmy Casper, on trouve des jeunes premières classes comme Yannis Yssaad. Justement, ce dernier qui arborait une coupe si atypique genre « Jakson Five » dans le peloton l’année dernière, a rejoint les rangs de cette drôle de section avec ce sacrifice de répondre aux critères de la coiffure « mili ». Qu’importe pour le jeune Yssaad, il lui fallait intégrer ces têtes brûlées, ces « brothers in arms » ! Ces guerriers du bitume et du pavé qui ne laissent jamais l’un des leurs derrière, « Leave no man behind! ».
Titulaire d’un bac S et titulaire d’un deug STAPS, le jeune Parisien de 22 ans a rejoint les rangs des « Cams » cette saison après avoir goûté aux bastons des courses élites chez Sojasun ACNC et tâté du monde pro chez « Big Mat Auber ». Et quelle bonne idée d’avoir été taper à la porte d’Armée de Terre, 1 étape sur le Rhône Isère Tour (2.2) devant Venturini, et 1 podium sur le GP de la Somme et un autre sur Cholet Pays de Loire (3ème ) viennent alors confirmer ce qu’il est, un espoir du cyclisme tricolore. Pas le genre de bonhomme à se poser des questions métaphysique. Sa chance il a su la saisir, et ce courage il a su en faire preuve pour aller montrer qui il était, qui ils étaient…
Yannis Yssaad, comment êtes vous arrivé dans le cyclisme?
Yannis Yssaad: » J’étais ado et je pratiquais beaucoup de hockey sur glace. Mais chez moi a Athis Mons à l’époque, la patinoire avait fermé puis celle où je m’étais réinscrit ensuite a brûlé. Donc plus de patinoire et je me suis dirigé vers un autre sport. Mon frère était coureur et j’allais l’encourager pendant des années. Du coup j’ai choisi le cyclisme. Et me voilà ici maintenant. »
Et de belles places cette saison en classe 1 justement.
Y.Y: « Oui mais pas de gagne quand même. Je voudrais vraiment claquer une classe 1. Je cours pour ça, la gagne. Je n’ai pas d’objectif de course précis . J’essaye d’être prêt au départ de chaque compétition avec pour objectif de gagner et de rendre la pareille à ceux qui m’ont fait confiance. »
Vous êtes un sprinter, on dit justement qu’ils sont d’une « trempe » à part, qu’en pensez vous?
Y.Y: « On a tous un tempérament différent , mais je pense que celui du sprinter est particulier avec un très haut niveau d’exigence . On fait abstraction du potentiel risque et on lâche les chevaux jusqu’à la ligne, la main sur la poignée juste pour changer les vitesses et hors de question de freiner. Contrairement aux grimpeurs qui ont parfois plus de 30 min pour se disputer la victoire en haut d’un col, les sprinters ne disposent que de 5 km, tout se joue réellement dans le dernier km et dans les 300 derniers mètres. C’est bref et intense , la probabilité de gagner résulte de la tactique, de la technique et du physique . »
Justement, durant ces sprints, vous n’avez jamais peur de la chute?
Y.Y: » Non, on n’y pense pas sinon on n’irait pas sprinter. On ne devient pas funambule si on a le vertige. On ne voit pas le risque au moment présent, on est tellement obnubilé par la ligne que l’on oublie tout ça. C’est bien souvent le manque de lucidité qui crée la chute et non l’animosité même si elle est présente. On connaît notre boulot et on sait ce qu’il faut faire , des chutes il y en a toute la course rien ne sert d’en faire une fixation. »
Pas de complexe face aux « cadors »?
Y.Y: « Quel cador? Non pas de complexe vis à vis d’un autre. J’ai un profond respect pour les athlètes qu’ils sont mais le jour « j », je ne fais aucune différence. La crainte est une peur, et la peur n’engrange rien de bon . Ce sont des hommes comme moi qui partagent le même désir de gagner. »
Pourquoi avoir choisi « Armée de Terre » ?
Y.Y: « J’avais posé ma candidature il y a quelques années mais cela n’avait pas abouti. Cette fois ci, quand je les ai relancé, ça a marché et je suis vraiment heureux d’y être. On m’a pas donné ma chance il y a quelques années, on m’a pas laissé mûrir et m’épanouir, mais c’est le passé. Mon passage à Sojasun et actuellement à l’armée qui me permet d’avancer. Je suis reconnaissant vis à vis de l’équipe et je compte bien rendre la pareille à ceux qui m’ont fait confiance et qui continuent de me faire confiance « »
Justement, vous êtes militaire en plus d’être coureur, qu’est ce que cela veut dire?
Y.Y: « Nous sommes des soldats avant tout avec les tâches militaires qui nous incombent comme les permanences, les services et on fait nos classes pour devenir soldat. Pour ma part, je vais les faire cet hiver. On est coureur cycliste durant la saison, mais nous sommes militaire 365 jours par an. Ce sont des concessions que les autres coureurs ignorent. Nous ne profitons pas des mêmes avantages puisqu’au sein de la ligue nous sommes une équipe de « 3ème division sans statut professionel » .L’équipe n’a pas encore le statut d’équipe professionnelle et on s’y accommode. Tout le monde fait des concessions, coureurs et staff compris. Sur le vélo, on se bat tous pour la même chose, gagner et faire grandir l’équipe . »
Ce maillot si particulier, que vous inspire t-il ?Y.Y:
» Oui, ce n’est pas qu’un simple maillot. C’est un symbole avec des valeurs propres à chacun. Pour ma part, je suis patriote et je suis fier de représenter l’Armée Française, mon pays et on a ce devoir de bien le servir. C’est une institution et que l’on soit à l’entraînement ou en course, on le respecte ce maillot. Pas seulement pour nous mais pour tout les autres et notre patrie. Dernièrement, j’étais à la gare Montparnasse avec Kevin Lebreton et Yann Guyot. Des militaires en service qui étaient sur Vigipirate sont venus nous parler, nous poser des questions et nous encourager, on a échanger pendant pas mal de temps. Dans le train, certains qui rentrent chez eux voyant nos sac « cams » viennent nous poser des questions et pour ceux qui nous connaissent, viennent nous encourager. Ca fait plaisir et ça nous réchauffe le coeur et nous donne de la « gnac » pour l’avenir. »