Photos DR AG2R LA MONDIALE
A 24 ans, le Breton Maxime Daniel (AG2R) s’est brillamment battu hier sur le 114ème Paris-Roubaix. Il termine 28ème à plus de sept minutes mais il a fait parler la poudre, il a appuyé sur les pédales, jonglé sur ces pavés détrempés, il a été un acteur de cette mythique épreuve retransmise aux 4 coins du globe. Parti dès le km 70 avec une dizaine d’autres dont le vainqueur Mathew Hayman, il s’est battu jusqu’au bout et a rempli son rôle d’équipier à la perfection en allant prêter main forte à son leader Damien Gaudin. Il s’est fait souffrance pour atteindre l’extase euphorique que procure cette route vers l’Enfer. Masochiste le Breton? Non, simplement un coureur de classique, de ces courses qu’il aime tant comme le prouvent ses résultats sur le GP Samyn (11ème) et Kuurne Bruxelles Kuurne (12ème).
Maxime, vous vouliez vraiment faire un « truc » hier sur Paris-Roubaix ?
Maxime Daniel: « Oui et j’y croyais dur. J’avais les bonnes jambes et je le savais. Déjà, avant la grande échappée, j’étais aux aguets dès qu’une attaque survenait, j’y allais de suite. Et à un moment, on s’est retrouvé à 16 devant. On avait une trentaine de secondes d’écart et ça roulait à bloc, on passait pas en dessous de 50km/h. Pourtant, on n’arrivait pas à creuser l’écart réellement avec le peloton. Je ne savais pas quoi penser, si je devais continuer à me défoncer et prendre des relais appuyés ou pas. A un moment, l’écart est passé à plus de 45 secondes, là je savais qu’on était dans la bonne. Ça tirait les bouts dans le groupe avec des gros moteurs comme Hayman justement, Chavanel, Erviti, Bozic entre autre. Avec Johan Le Bon, qui a beaucoup donné aussi, on prenait notre part de travail et on mettait le turbo. Au fur et à mesure que le groupe perdait des effectifs, j’étais toujours là et j’avais la « dalle ». J’y croyais. «
Vous arrivez dans la trouée d’Arenberg avec ce groupe, quelles ont été vos réactions?
M.D: « Un truc de dingue, on était un tête sur Paris-Roubaix et on passait la mythique trouée D’Arenberg. Il fallait voir l’enfer sur ces pavés, je l’avais reconnu avant bien sûr et elle me faisait peur justement. Et j’étais là, en tête le jour J. Il n’y pas de mot pour décrire ce passage, vous avez l’impression de rentrer dans la foule, ça m’a donné le frisson ! «
Ensuite, vous continuez votre bataille puis vous décrochez, que s’est-il passé ?
M.D: » Je ne suis pas un leader, j’ai encore beaucoup à apprendre pour en avoir le statut. Donc j’étais équipier, dans l’oreillette j’entends que l’on me demande de décrocher pour aller aider Damien Gaudin à revenir sur le groupe Sagan. Sur la chute de Cancellara, Damien avait été retardé sur Sagan qui lui était passé. C’est ce que j’ai fait sans hésiter. J’ai ralenti et j’ai aidé Damien à revenir sur le groupe peu avant Mons-en Pévèle. J’y ai laissé des plumes et je me suis retrouvé dans le groupe Cancellara. Là, ça roulait dur aussi, on était que deux à ses côtés et il envoyait du gros. Ensuite, j’ai serré les dents et je termine Paris Roubaix en étant satisfait réellement de ma journée. «
Quelle est votre analyse 24 h après cet enfer?
M.D: » Que j’aime cette course même si c’est la plus dure, la plus difficile que je n’ai jamais faite. Hier, c’était un peu comme mon premier Paris-Roubaix. J’en avais déjà fait un mais je sortais d’une maladie qui m’avait bien flingué, j’avais déclenché un zona à l’époque et je n’avais pas pu m’exprimer pleinement. Hier, j’étais gonflé à bloc, j’avais tant à prouver. Ensuite, quand je remarque l’âge des cadors des classiques qui ont pour la plupart la trentaine passée, je me dis qu’à 25 ans, j’ai encore de la marge pour progresser. J’ai vraiment envie de faire mieux, d’aller plus loin. Qu’il en faut bouffer d’autres classiques pour en arriver à maîtriser parfaitement cet art. Hier, secteurs pavés après secteurs, je me sentais plus à l’aise sur ceux ci que sur la partie route, sérieusement! Je suis un sprinter à la base, mais j’aime vraiment ce type de course. Je prends de la caisse course après course et j’en redemande encore et encore. «
Vincent Lavenu est venu vous voir après la bataille, que vous a t-il dit sans être indiscret?
M.D; » Il m’a félicité. J’avais fait mon travail, j’ai été acteur et équipier en allant aider Damien. J’ai fait mon travail, et tout comme moi il était satisfait du travail accomplit, ça fait du bien quand un Monsieur comme Vincent vous le dit. J’étais fier. »
Dans les moments durs, à qui pensiez vous ?
M.D: » C’est vrai que par moment sur ces pavés, je pensais à ma famille et mes amis derrière le poste de télévision. Le fait d’y penser, ça me donnait encore plus de force et de motivation. Je pensais aussi à ce texto que j’ai envoyé à Alexis (Gougeard) la veille. C’est mon ami et il m’avait filé plein de conseils avant sur la façon de rouler sur Paris-Roubaix, il y avait brillé l’année dernière. Je lui ai alors dit que je voulais faire comme lui, l’imiter, et je l’ai fait. Je pensais à tout ça »
Comment vous sentez vous physiquement maintenant?
M.D: « (Rires). Je perce mes ampoules, j’en ai tellement ! J’ai mal aux bras tant ils ont vibré. Ils sont complètement intoxiqués avec des courbatures de partout. J’apprécie vraiment ce jour de repos (rires). Et dans ce calme, je réalise que j’ai fait un beau Paris-Roubaix. Hier, dans la cohue du final, on ne réalise pas trop la perf’ mais aujourd’hui, je me rappelle que quand j’étais gosse, je rêvais devant Paris-Roubaix et que je voulais ressembler à ces champions, de passer la Trouée d’Arenberg en tête. Maintenant que je l’ai fait, j’ai vraiment hâte d’y retourner. Il y a une petite chose que je regrette, c’est de n’avoir pas pu prendre ma douche dans celles du vélodrome. C’est quand je l’ai pris dans le bus que j’ai réalisé que j’avais complètement zappé (rires). »
Quels sont vos prochains rendez-vous?
M.D: » Dès jeudi prochain je serai sur le GP de Denain et, ensuite, sur le Tour du Finistère samedi et le Tro Bro Léon dimanche. J’aimerai bien y briller sur le Tro, c’est un peu le Pais-Roubaix des Bretons. On verra si j’ai bien récupéré physiquement mais je suis motivé. »