Il est des hommes hors normes, inconnus du grand public mais pourtant des hommes extraordinaires comme l’était l’Irlandais Mick Murphy. Celui que l’on surnommait « Iron Man » s’est éteint à l’âge de 81 ans dans sa modeste demeure des landes irlandaises à Caherciveen dans le Comté de Kerry, tout au bout de la péninsule d’Iveragh. Celui qui était le « dernier des.. » est parti il y a 2 semaines, sûrement rejoindre son havre de tranquillité, dansant peut être comme un « fou » d’Irlandais sur l’air de « Premontory » au son des violons, en râlant contre le saint Pierre sûrement !
Un personnage riche en couleurs, un peu excentrique, mais un guerrier de l’ombre méconnu comme l’était son compatriote Shay Elliot laissant le titre de champion du Monde au Français Jean Stablinsky en 1968, sponsoring business oblige! Une de ces légendes celtes comme seul l’Irlande sait les façonner !
On pourrait en faire un film de la vie de Mick Murphy, de celui qui a été tour à tour lutteur, boxeur, coureur cycliste, agriculteur, artiste de cirque, cracheur de feu, ventriloque et maçon. Un seul mot lui collait à la peau, celui de « Liberté »! Car « Mick » s’en foutait bien des commérages, des critiques, des conseils de « bullshit ». Il restait lui même, Monsieur Mick Murphy, un homme libre comme il l’est maintenant à jamais, loin de nous dorénavant, sa voix et ses conseils résonnant à jamais dans nos cerveaux et dans nos cœurs !
Un caractère de têtu d’Irlandais, bourru et combatif, mais si proche des siens. Lui qui savait transmettre et insuffler le courage aux coureurs Irlandais quand ceux ci doutaient de leurs capacités. Des paroles justes, simples et terriblement efficaces rien qu’en nous fixant dans les yeux. Une écoute religieuse de notre part, le respect des anciens avant tout et nous voilà repartis sur nos montures pour faire face à nous mêmes et face à cette maudite ligne d’arrivée. Il était cette flamme qui nous permettait d’avoir du courage, de se battre sans s’avouer vaincu en ne rendant jamais nos armes.
Nous voulions simplement vous raconter sa vie, la vie extraordinaire de Mick Murphy. »Iron Man » dont personne ne connait sûrement l’histoire et son impact sur nos vies comme une bonne claque dans la « gueule ». Personne, sinon les clans cyclistes de la verte Erin, en espérant que son nom résonne encore dans ces vallées magiques de l’île d’Emeraude et peut être un peu plus loin, le soir au fond des pubs !
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Mick Murphy est né dans une ferme du Comté de Kerry, en 1934, au milieu des montagnes et des lacs que chante un Français inconnu sur la verte Erin. Un fils de fermier comme nombre de ces compatriotes à l’époque. L’école, il ne l’a connut qu’un peu, pas trop son truc au fils Murphy! Sa passion des livres naîtra plus tard, lors des soirées près de la cheminé quand sa mère lui apprenait à lire, sur des romans d’aventures et de légendes. Il les dévora chaque jour de sa vie par la suite.
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A l’âge adulte, il quitta la ferme, pas trop son truc non plus la ferme au fils Murphy! Fallait pas lui lire toutes ces aventures non plus! Il devint d’abord boxeur, ce qui lui valut de perdre l’audition de l’oreille droite après de nombreuses victoires. Il se reconvertit comme lutteur et partit tenter sa chance à Londres. Il connut un franc succès au Royaume de sa Majesté (damn it!). Mais un jour de 1957, alors qu’il ne connaissait qu’à peine ce sport, il se mit au cyclisme. On ne saura jamais ni comment ni pourquoi Iron Man s’est lancé dans ce nouveau défi. La légende nous donnera sûrement les raisons dans les années qui vont suivre !
Alors que personne ne le connaissait, il s’inscrivit à la « Ras Tailteann » en 1958, que l’on connait sous le nom de « The Ras » désormais. On se moqua de lui bien sûr, mais les stars locales déchantèrent dès la première étape . Il mit tout ce beau monde d’accord en partant dès le début en solitaire pour l’emporter avec une avance confortable.
Le lendemain, Mick Murphy connu un problème mécanique. Vélo foutu, course foutue me direz vous? Je vous parle d’un temps où les combattants ne possédaient pas de staff autour de leur précieuse machine et précieuse personne comme maintenant, mais celui d’un temps où le guerrier se formait tout seul.
Qu’importe, Mick prit le vélo rafistolé d’un fermier spectateur de bord de route, une machine bien plus lourde qu’une pierre des lacs du Connemara . Il finit de nouveau en tête et remporta la RAS Tailteann 1958, un an après avoir commencé le cyclisme. La légende d' »Iron Man » débuta.
L’année suivante, il se cassa la clavicule sur la même épreuve. Qu’importe! Il courut comme un brave avec cette blessure durant 4 jours, sans se plaindre, sans gémir. Pour lutter contre le refroidissement du corps et le réveil brutal de la douleur, il roulait même 60 km de plus après l’étape pour remettre son corps en condition. En 1960, Mick Murphy raccrocha son vieux « biclou » et partit vivre d’autres aventures.
Lorsqu’on lui demandait qu’elle était sa force pour gagner, Iron Man nous répondait ceci :
« L’attaque est la meilleure défense. Attaquer après avoir déjà attaqué, encore et encore, jusqu’au but ultime. Je suis d’une race différente. J’ai l’habitude d’attaquer de loin et je ne doute pas de moi. Je suis le plus grand coureur solitaire Irlandais, j’ai confiance en moi et quand je pars, je pars, c’est tout ! Nous sommes des forçats de la route, des damnés, des racailles du bitume, c’est notre sort. »
Alors que d’autres prenaient suivait un régime de spartiate, lui buvait du sang de bœuf en guise de petit déjeuner. « Un truc que j’ai appris des guerriers Maasai en Afrique de l’Est » disait -il. Avec son couteau aiguisé, il perçait la cuisse de l’animal (désolé Brigitte B !) et se versait son bol de sang quotidien pour lui donner de la force. La viande, il l’a mangé crue tout simplement. Son lit, une simple paillasse au fond d’une grange. Le confort l’aurait enlevé toute envie de lutter disait-il.
Il aurait pu prendre une retraite paisible, il avait travaillé toute sa vie. Mais l’excentrique Mick Murphy refusa même la pension qui lui était attribué. Il vécut dans sa petite demeure jusqu’au dernier jour, fidèle à ces principes au dernier souffle.
Le jour du grand départ, ils étaient des centaines venus lui rendre hommage, des centaines à le pleurer. Nous avons rencontré l’un d’eux en la personne de Tim Barry, le manager du team « AquaBlue » de Cork.
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Tim Barry: » J’avais entendu parler de lui par mon père déjà tout gamin. Il avait courut contre lui . Il y a tant d’histoires sur Mick Murphy. Celui qui pouvait se relever après une lourde chute à finir dans un lit d’hôpital direct, mais lui se relevait pour remporter l’épreuve. Un jour de Noël, dans le grand froid, il s’est même entraîné durant 6 heures en montant les côtes les plus dures comme celle du col d’Healy, juste pour reconnaître le parcours. Il s’est arrêté en haut pour prendre son léger repas et repartit dans le froid pour finir son entraînement.
Son style de pédalage était différent car il roulait avec peu de vitesse. Il pensait qu’en pédalant 10 fois plus que les autres sur roue libre, ca lui donnait un avantage car ses jambes tournaient sans cesse, alors que les autres cherchaient toujours en vain le bon braquet pour s’adapter au profil. Dans les échappés, il imposait son style de pédalage et son rythme. Il refusait de se conformer aux autres, ce qui lui valut de nombreuses disputes.
La force de Mick Murphy était son mental. Un jour, dans une auberge durant la RAS, il demanda à l’un des ses adversaires si la course finissait ce dimanche où le dimanche suivant. Il était complétement épuisé mais il se voulait fier jusqu’au bout, juste pour montrer aux autres qu’il s’en foutait du nombres de jours, qu’il gagnerait quand même de toute façon.
Il était un grand défenseur du renforcement musculaire, adapter ses muscles à ce sport cycliste, à ses efforts sur le vélo. Il était déjà en avance sur son temps. Comme tout jeune coureur, j’avais été le rendre visite pour avoir des conseils. Il m’avait dit que durant l’hiver, il valait mieux se baser sur la musculation, non sur l’entrainement vélo « Courir l’hiver, c’est mauvais pour un coureur, entraînez vous avec des poids ! » disait il. Lui, même en retraite, s’entraînait avec des poids en béton et des pierres.
J’étais vraiment impressionné par « Iron Man », de me retrouver face à lui dans sa modeste maison deux pièces où les fenêtres étaient bouchées par des feuilles de métal. Mais il me fallait de rencontrer cet homme rude et remarquable qui m’a donné l’envie de m’entraîner dur. Je me souviens avoir en baver durant les courses, mais sa voix résonnait en moi, j’entendais « N’abandonne jamais et bats toi ». Je ne voulais pas décevoir Mick Murphy et je continuais malgré la douleur en me disant que lui ne se plaindrait pas. »