Il est 17h lorsque j’arrive à Rostronen dans le centre Bretagne et le soleil est au rendez vous ce jour de 26 Juillet, normal on est en Bretagne le pays où il ne pleut que sur les « cons » d’après le dicton. C’est étrange mais en marchant sur ces terres, la musique de « Blood of Cuchulainn » passe en boucle dans ma tête alors que je regarde ces paysages qui auraient pu servir de décor au film « Braveheart », une histoire de guerriers et de celtes.
Je dois rencontrer Alain Baniel, celui qui a crée le Kreiz Breizh (« Centre Bretagne »en langue bretonne), une autre histoire de guerriers celtes. Celui là aurait pu naître irlandais, tellement il est imprégné par sa culture celte, un rêveur fier de sa Bretagne. Pas de chance pour l’Irlande, Alain est né en Bretagne, mais, à vrai-dire, c’est pareil : c’est une terre celte, un Comté. D’ailleurs, on pourrait dire « County Brittany »!
Sur le parking , je rencontre Stephen Rucker, le directeur sportif de Baku Cycling Project. On parle de la course qui les attend. Il me demande si les étapes seront difficiles, je lui réponds que c’est sur ce genre de courses que l’on trouve les futurs cracks du peloton pro. Celui qui gagne sera un costaud, un rouleur et surtout un véritable coriace. L’organisateur est du coin, il connait tous les murs, les bosses. Le tracé est sorti de sa tête de diable de leiprechaun pour qui tout gain se mérite à condition d’en avoir payé le prix. Alain me reçoit avec toute la chaleur qu’un type simple et surtout passionné puisse offrir, on se retrouve même gêné par sa disponibilité alors que l’organisation est un travail d’esclave, je vous l’avait déjà dit je pense, il doit être irlandais ce gars !
Il faut juste imaginer qu’il a réussi à faire venir les meilleures équipes européennes espoirs. Les Rabobank avec le réservoir qui ferait pâlir plus d’une équipe pro conti, les Omega Pharma, réserve des illustres aînés comme Cavendish, Chavannel, les Euskadi fiers Basques, les meilleurs Belges et Irlandais comme ceux de An post Chainreaction. Alain Baniel qui a misé sur des équipes peu connues sur la France avec les Baku Cycling Project où les jeunes de l’équipe nationale des USA. Il parie, il ose, il rêve et ça marche.
Alain n’est pas tout seul dans cette aventure : 943 bénévoles l’aident. Je dis bien 943 et surtout des bénévoles, ça paraît incroyable ce chiffre. Pourtant, tous ces gens se sont joints au sorcier Alain . ils les a tous rencontré, patiemment, un par un. Et tous ont fait un travail de fou. Comme Prosper, retraité mais pour qui ce mot ne veut rien dire. Il s’occupe de la logistique pour ce KBE ( que les étrangers prononcent « KaiBiEii, Kreiz Breizh étant imprononçable pour le commun des mortels) et jamais il ne se plaint alors que les demandes sont parfois farfelues de la part de certains.
Il y en a un pour qui je lève aussi ma pinte bien haut, c’est Monsieur Félix qui s’occupe des voitures, qui trimballe les journalistes et photographes durant les étapes pour montrer les meilleurs spots. Tout le monde se bat pour une place dans son van. C’est un honneur d’être conduit par Félix. Les gars de www.directvelo.com comme Freddy Guérin l’ont bien compris, le site du vélo français se doit de suivre Félix. Même la famille Baniel a été mobilisée, on trouve Laurent le fils à la communication et à l’organisation, un lutin à l’image de son père. Benoit, le gendre, avec son accent du Sud Ouest qui dépareille dans le coin mais qui est devenu plus Breton qu’un Breton. Il est tombé amoureux d’une Celte et de son pays. Pour finir, il y a Nelly la Femme du Leiprechaun Alain. toujours souriante et présente pour vous aider alors qu’elle pourrait maudire le KBE qui accapare sa famille, mais non, elle est là, aux côtés de ce drôle de lutin !
Durant trois jours, je suis les traces de Freddy, téléphone greffé à l’oreille, expert en cyclisme et qui vous sortirait le nom du vainqueur de la course de Spezet en 1987 et le palmarès du 92ème coureur de ce classement. Dans son sillage, il y avait le photographe du « KaiBiEii », le longiligne Mathieu Prigent, un calme olympien, une cigarette roulée collée à la bouche, la tignasse longue. Il ne se plaint jamais même sous le pluie battante, normal il ne pleut que sur les cons dans ce pays comme ils disent. Seule la photo qui raconte la légende de cette course l’intéresse, le reste n’est que futilité! C’est un photographe, ce narrateur discret.
L’Irlandais Ronan McLoughlin, le gars du Donegal me dit qu’il a l’impression d’être chez lui et que la maison lui semble proche. La première étape j’observe son calvaire, il venait de reprendre la compétition. Il sortait la langue jusqu’aux genoux dans le dernière côte mais, parole d’Irlandais, il n’a pas mis pied à terre et demain les Frenchies vont voir qui est McLoughlin. Chose promise chose due, dans les autres étapes il fout le bordel dans le peloton en tentant des échappées du dernier kilomètre, il aurait pu être Breton ce Ronan , tout comme Mark McNally qui sera présent sur les échappées principales tout le long de cet enfer! Sean Downey aussi. Il a un caractère de granit ce gars, un granit qu’il soit irlandais ou breton, après tout, on s’en fout , c’est un granit celte !
Kurt Bogaerts , le manager des Boys de An Post , un celte Belge, je ne sais pas si cela existe mais il a tout de son Boss, le King Sean Kelly. Il me dit qu’il aime cette terre, et il sait de quoi il parle, son team a déjà gagné la Mi-Août en Bretagne en 2011 avec Mark McNally et là il place le puissant Nico Vereecken à la 3ème place au général. En regardant le vainqueur de cette édition, le Néerlandais Nick Van Der Lijke,pour qui ces frères d’armes se sont battus juqu’au dernier, rendant l’âme dans les derniers kilomètre, il me dit que ce dernier ça va devenir un « putain de grand coureur ». Le jeune batave de 21 ans a tout raflé, le général, le meilleur espoir, le maillot à points, les autres n’ont plus que les lots de consolation et la fierté d’avoir vécu ce Kreiz Breizh et ça, ça ne se partage pas !
Le dernier jour arrive. Je dis enfin car même si cela reste un regret pour nous les passionnés, c’est un soulagement pour les coureurs comme Vereecken le champion des Flandres qui me sort, juste après avoir franchi la ligne d’arrivée » Ça y est, je l’ai fini, je l’ai fait. 3ème c’est bien mais je suis surtout heureux de l’avoir fini ». La conclusion la plus sympa sera de Stephen justement ; « Je pensais que la Bretagne était plate, je me suis trompé ! »
Les paroles de notre échange avec le King Kelly résonnent dans ma tête: « La Bretagne, ce sont des course difficiles c’est bien d’y aller pour apprendre, c’est une belle école et le KBE en est l’exemple ». Au fait, le Boss vient sur le KBE l’année prochaine, juste pour voir cette course créée par un autre fou celte ! Une histoire celtique qui va sûrement être racontée au coin du pub là bas dans le Donegal ! Le Kreiz Breizh est une histoire de famille, pas seulement des Baniel, mais de la famille des bénévoles, des passionnés, des coureurs, des Celtes. Comme on dit en Gaëlic : « Slainte Alain, Slainte KAI BIE III »
Crédits Photos : Be Celt et Mathieu Prigent (www.sitekbe.com)